lundi 27 août 2018

Hélie Denoix de Saint-Marc (1922-2013)







               Que dire à un jeune de 20 ans ?


   " L'ombre était nuptiale, auguste et solennelle".

                 Gustave  FLAUBERT



          Magnifique lettre du commandant Hélie Denoix de Saint-Marc, militaire amoureux de la France, parfois controversé mais d'une honnêteté sans faille et d'un dévouement sans limite pour son pays. Durant toute sa carrière il fût au gré de sa vie militaire et de sa vie tout court, soldat, héros, franc-tireur et parfois rebelle. 


"Quand on a connu tout et le contraire de tout,
quand on a beaucoup vécu et qu’on est au soir de sa vie,
on est tenté de ne rien lui dire,
sachant qu’à chaque génération suffit sa peine,
sachant aussi que la recherche, le doute, les remises en cause
font partie de la noblesse de l’existence.
Pourtant, je ne veux pas me dérober,
et à ce jeune interlocuteur, je répondrai ceci,
en me souvenant de ce qu’écrivait un auteur contemporain :
«Il ne faut pas s’installer dans sa vérité
et vouloir l’asséner comme une certitude,
mais savoir l’offrir en tremblant comme un mystère».
A mon jeune interlocuteur,
je dirai donc que nous vivons une période difficile
où les bases de ce qu’on appelait la Morale
et qu’on appelle aujourd’hui l’Ethique,
sont remises constamment en cause,
en particulier dans les domaines du don de la vie,
de la manipulation de la vie,
de l’interruption de la vie.
Dans ces domaines,
de terribles questions nous attendent dans les décennies à venir.
Oui, nous vivons une période difficile
où l’individualisme systématique,
le profit à n’importe quel prix,
le matérialisme,
l’emportent sur les forces de l’esprit.
Oui, nous vivons une période difficile
où il est toujours question de droit et jamais de devoir
et où la responsabilité qui est l’once de tout destin,
tend à être occultée.
Mais je dirai à mon jeune interlocuteur que malgré tout cela,
il faut croire à la grandeur de l’aventure humaine.
Il faut savoir,
jusqu’au dernier jour,
jusqu’à la dernière heure,
rouler son propre rocher.
La vie est un combat
le métier d’homme est un rude métier.
Ceux qui vivent sont ceux qui se battent.
ImagesIl faut savoir
que rien n’est sûr,
que rien n’est facile,
que rien n’est donné,
que rien n’est gratuit.
Tout se conquiert, tout se mérite.
Si rien n’est sacrifié, rien n’est obtenu.
Je dirai à mon jeune interlocuteur
que pour ma très modeste part,
je crois que la vie est un don de Dieu
et qu’il faut savoir découvrir au-delà de ce qui apparaît comme l’absurdité du monde,
une signification à notre existence.
Je lui dirai
qu’il faut savoir trouver à travers les difficultés et les épreuves,
cette générosité,
cette noblesse,
cette miraculeuse et mystérieuse beauté éparse à travers le monde,
qu’il faut savoir découvrir ces étoiles,
qui nous guident où nous sommes plongés
au plus profond de la nuit
et le tremblement sacré des choses invisibles.
Je lui dirai
que tout homme est une exception,
qu’il a sa propre dignité
et qu’il faut savoir respecter cette dignité.
Je lui dirai
qu’envers et contre tous
il faut croire à son pays et en son avenir.
Images (1)Enfin, je lui dirai
que de toutes les vertus,
la plus importante, parce qu’elle est la motrice de toutes les autres
et qu’elle est nécessaire à l’exercice des autres,
de toutes les vertus,
la plus importante me paraît être le courage, les courages,
et surtout celui dont on ne parle pas
et qui consiste à être fidèle à ses rêves de jeunesse.
Et pratiquer ce courage, ces courages,
c’est peut-être cela
«L’Honneur de Vivre»."

               Qui peut rester indifférent à ce magnifique message ?


"Je veux être dans mon oeuvre comme Dieu dans la création, présent partout, visible nulle part".

                                     Gustave  FLAUBERT




"Il y a la voie facile et la voie juste. J'ai commis ma part d'erreurs mais j'ai toujours essayé de m'améliorer. Quand vous vous trompez et que vous le savez, vous ne recommencez jamais".

                                      John  Mac CAINE

lundi 13 août 2018

AFFAIRE BENALLA : la fin du "nouveau monde"




  " Le drame de notre temps, c'est que la bêtise se soit mise à penser".

                   Jean  COCTEAU


                   Le feuilleton du mois de juillet dernier que l'on pourrait intituler " Les pieds nickelés de l'Elysée"est provisoirement interrompu. Grotesque sur la forme cette affaire politico-médiatique "pose question" sur le fond comme on dit chez les bobos-intellos parisiens. Max Tandonnet  en donne un éclairage sans appel sous l'angle de la solidarité revendiquée par notre Président de la République qui a réussi à mystifier les Français l'espace d'une élection. 



Réf. : Le Figaro du 13 août , Chronique de Maxime Tandonnet : "La fin du nouveau monde ouvre une ère d'incertitude".



                      " Lors de son interview au Point, le 29 août 2017, le président Macron dénonçait «les forces du monde ancien» qui «font échouer la France». En mai-juin 2017, l'accession au pouvoir des nouvelles équipes dirigeantes, à l'Élysée, à Matignon comme au Palais Bourbon, fut le fruit de l'élection présidentielle la plus chaotique de l'histoire. Le succès électoral d'En marche! est donc né d'un vertigineux scandale. Il s'inscrivait dans le contexte d'un pays traumatisé par la succession d'affaires et de drames mettant en cause ses dirigeants, à l'image de l'emblématique «affaire Cahuzac».

    En réaction au naufrage de la politique française dans un climat à la fois délétère et explosif, tournant le dos aux personnalités et aux partis traditionnels, en 2017, les Français, assoiffés d'exemplarité, ont porté au pouvoir des hommes et des femmes incarnant le renouvellement. La transformation de la vie publique française dans le sens de la vertu s'est imposée comme la clé idéologique de la nouvelle équipe dirigeante.
Ce contexte explique l'ampleur prise par l'affaire Benalla, qui a accaparé l'actualité nationale pendant trois semaines. Les faits eux-mêmes sont certes accablants pour l'auteur des violences, mais sans commune mesure avec les séismes qui ont ébranlé l'histoire politique française (le Rainbow Warrior par exemple). En revanche, ils ont profondément choqué par les révélations en cascade qui en sont issues, soulignant les phénomènes de clanisme, de dissimulation, de courtisanerie et d'obséquiosité qui imprègnent, aujourd'hui comme hier, l'exercice du pouvoir.

    2017 fut l'été d'une espérance pour une partie de l'opinion publique, 2018 celui d'une désillusion. Cette affaire marque une étape supplémentaire, et sans doute décisive, dans la prise de conscience, par une majorité des Français, du caractère trompeur de la thématique d'un «nouveau monde». Au fond, rien n'a changé. Ils ont l'impression d'avoir été mystifiés comme ils le furent en 1981 par le discours assimilant la victoire de François Mitterrand à un passage de «la nuit à la lumière». Ils retiennent de l'affaire Benalla que rien ne ressemble plus à l'ancien monde que le prétendu nouveau.

L'image personnelle des dirigeants s'impose comme la motivation suprême de l'engagement politique, au détriment du bien commun.

La fin des illusions met en évidence les constantes de la vie politique française qui, depuis des années, entraînent le pays sur une pente fatale. Le culte de la personnalité d'un autre âge ne fait qu'occuper le vide laissé par la mort du débat d'idées et l'absence de solutions aux difficultés de la France. L'image personnelle des dirigeants s'impose comme la motivation suprême de l'engagement politique, au détriment du bien commun. L'élection ou la réélection justifie toutes les démagogies. La communication se substitue toujours davantage à l'autorité de l'État, aux choix de gouvernement et à l'action authentique. La fracture démocratique ne cesse de se creuser entre une minorité dirigeante, déconnectée des réalités quotidiennes, et la population - infiniment plus lucide que ne le pensent les hommes et femmes de pouvoir -, qui se sent abandonnée avec ses difficultés et ses inquiétudes.

     La vie politique continue à sombrer dans le spectacle nihiliste, dominé par les polémiques, les crises d'hystérie, les phénomènes d'idolâtrie et de lynchage. Le discours sur la «transformation» de la France ne suffit plus à masquer la réalité d'une aggravation continue des maux dont elle souffre: vertigineux déficit du commerce extérieur ; explosion de la dette publique ; poids des prélèvements fiscaux et sociaux ; chômage qui, en comparaison avec les autres puissances comparables, ne connaît guère d'amélioration ; violence quotidienne ; situation préoccupante du système scolaire et universitaire ; haut niveau de pauvreté ; absence de réponse crédible à la crise migratoire européenne ; une société toujours plus déchirée et conflictuelle. Sur les grands sujets de préoccupation des Français, aucune amélioration n'est en vue.

    Aujourd'hui, la question fondamentale est celle de l'avenir de la politique française, sur lequel un épais brouillard est tombé. Après la dissipation du rêve d'un «nouveau monde», que reste-t-il à espérer? La France est entrée dans une ère d'incertitude. Tout est possible: une radicalisation, portant au premier plan des partis ou personnalités «antisystème» ; la poursuite indéfinie, au-delà de 2022, de l'expérience actuelle ; une alternance et le retour au pouvoir d'un parti classique ayant su se moderniser et élargir son assise électorale ; ou encore une prise de conscience de la tragédie de la politique française, une remise à plat d'un régime à bout de souffle pour en finir avec la dictature des chimères et renouer avec la notion de gouvernement, de vérité, de destin collectif, d'intérêt général et de res publica. Cette dernière alternative n'est hélas pas la plus vraisemblable…*" . 

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               Beaucoup de clairvoyance dans cette analyse où le pessimisme est de mise, hélas à juste titre si la démagogie et l'intérêt personnel continuent à supplanter la recherche de l'intérêt général. La démocratie d'opinion n'est certainement pas la solution. 



  " Qu'est-ce que la vocation ? C'est un miracle à faire avec soi-même".

                 Louis  JOUVET