samedi 5 juin 2021

CHOC DEMOGRAPHIQUE

 




" On a toujours tort de donner l'apparence de se renier, d'avoir honte de soi-même. Comment voulez-vous que les autres croient en vous si vous n'y croyez pas vous-mêmes?"

         Charles de GAULLE


             Une analyse pertinente de la crise démographique qui menace l'Europe en général, la France en particulier. Il y a urgence à réagir, mais le voulons nous vraiment? 

Le désespoir doit faire place à l'espérance et à la volonté de réagir.


Réf. : Le Figaro  3 juin 2021

Pierre Vermeren: «Comment l’Europe peut et doit répondre à la chute dramatique de sa démographie»


                       " Les indicateurs démographiques convergent: le continent européen est entré dans un choc démographique durable de grande portée. Sa population va chuter avec la disparition progressive de la génération du baby-boom. D’ici une quarantaine d’années, le continent, Russie comprise, sera passé de 743 millions d’habitants à près de 500 millions, peut-être moins. Le nombre de naissances en Europe (6,2 millions en 2020) est depuis des années inférieur au nombre des décès."

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                   "L’Europe est donc priée de faire un constat, et de chercher les ressources internes pour pallier ses maux. Le constat, c’est son incapacité à proposer un avenir désirable. Se reproduire est un fait de nature et l’objectif premier du vivant. Dans l’ordre de la culture, enfanter est un acte de foi en l’avenir et de confiance («Dieu pourvoira»)."

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                    "L’Homme étant un croyant (Rousseau), s’il ne croit à rien, il cesse de vivre. Tel est le message des peuples d’Europe à leurs dirigeants et à leurs élites en orchestrant la grève des berceaux."

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                      "Pendant soixante ans, la France s’est battue avec succès contre ses démons malthusiens, établis dès le XIXe siècle. Mais en quelques années, intellectuels et politiciens se sont retournés contre la famille, un temps décrite comme une structure d’oppression, le terreau des inégalités sociales, voire un lieu de perversion. Le détricotage méthodique du code civil napoléonien depuis un demi-siècle a fait de la France le pays où l’on se marie le moins au monde. La disparition du mariage, fête éclatante de la jeunesse - qui brille dans Guerre et Paix - laisse une béance dans nos sociétés âgée. Elle est couplée à la réduction des aides aux familles, à l’appauvrissement des jeunes - qui, même s’ils le voulaient, ne pourraient pas se marier festivement faute de moyens financiers -, à la fermeture systématique des maternités de proximité, à la raréfaction des pédiatres et des obstétriciens, les exemples abondent. La chute de la natalité va se poursuivre et s’amplifier. Sans le soutien de la surnatalité de ses immigrés et domiens, la France serait déjà au niveau de ses voisins du Sud ou du Nord. Tout ce qui a présidé au baby-boom de l’après-guerre a été déstructuré. Les jeunes Français sont élevés depuis vingt ans dans la peur de l’avenir, du chômage et du déclassement, et désormais la terreur écologique. S’y ajoute celle de l’épidémie du Covid qui anéantit aujourd’hui la pulsion de vie. À circonstances inchangées, la natalité française marche vers son étiage, comme au Japon et en Italie."

                      "Comment remédier à cette perspective et à ses conséquences? Le premier constat à faire, une fois oubliée la logique productiviste qui tient les esprits depuis les années 1960, est que la chute démographique enclenchée, si elle est une très mauvaise nouvelle, va au moins avoir le mérite de nous tirer d’impasses anciennes. Elle imposera des solutions à des maux qui rongent la société française. Les Français souffrent depuis vingt ans d’une baisse du pouvoir d’achat relatif par rapport aux grandes puissances. La France souffre d’une crise lancinante de son système éducatif, sous-performant selon Pisa, dont l’une des dernières manifestations est la pénurie d’enseignants diplômés. Les jeunes générations souffrent depuis longtemps du chômage de masse. La société souffre d’une pénurie structurelle de logements, cause première de l’appauvrissement des jeunes générations - suivant l’équation: pas de logement, pas de couple, pas d’enfant -, et enfin de la crise écologique: la course à la construction nourrit l’étalement urbain et gangrène le territoire."

                        "La baisse du nombre de jeunes et la hausse mécanique de la mortalité (entamée depuis dix ans) vont améliorer le pouvoir d’achat - la population qui travaille s’accroissant relativement -, mais aussi le taux d’encadrement des élèves, réduire la résorption des pénuries d’enseignants, obliger les industriels et les services à recourir à la robotisation, et mettre fin à la crise du logement. Si la baisse de la population s’accélère, l’agriculture pourra fournir une alimentation plus qualitative en réduisant la pollution. Le retour possible de l’inflation permettrait d’alléger la dette sans pénaliser l’accès à la propriété (en pénalisant il est vrai les épargnants): à la fois par accélération de la transmission des patrimoines hérités des baby-boomers aisés, et par effet positif sur l’endettement. Ce serait le retour au cercle vertueux du crédit des années 1960, avec une opportunité de réindustrialisation en intensifiant le progrès technique. La société japonaise montre la voie depuis vingt ans. La baisse de la population ne produira ni baisse des revenus par habitant, ni baisse de la productivité. Cela devrait permettre de surmonter les angoisses qui nous étreignent devant la baisse de la démographie."

                            "La diminution conjointe de la population dans toutes les puissances développées, mais aussi dans une grande partie des pays pauvres et intermédiaires, doit inciter à innover et à regarder l’avenir avec optimisme. Si, en une génération, les circonstances générales et les entraves économiques affectant les rêves de la jeunesse européenne parvenaient à s’améliorer, il serait possible de rendre l’espoir en un avenir auquel tant ont renoncé. L’humanité a surmonté des catastrophes bien plus soudaines et terribles. La démographie offre un demi-siècle de visibilité. À nous d’en profiter pour sortir des pulsions de mort qui nous asphyxient, et construire un avenir qui renoue avec l’espérance."

           

Vaste programme ! Qui aura le courage, la volonté et la capacité de le proposer à des peuples inquiets et désabusés, sans repères et repliés sur eux-mêmes?

          "On ne fait pas de la politique en dehors des réalités."

                     Charles de GAULLE