lundi 11 mars 2019

ECOLOGIE : mensonges, tromperies, malhonnêteté





" Comment ne pas regretter la sagesse d'avant? Comment ne pas donner un dernier souvenir à cette innocence que nous ne verrons plus?".

                  Charles PEGUY


                           La dernière chronique de la journaliste Elisabeth Lévy, journaliste, est un véritable coup de pied dans la fourmilière écologique qui envahit le monde et la France en particulier. Face à la dictature de la pensée qui sévit depuis de trop nombreuses années sur ce sujet aussi important de la transition écologique et donc de l'adaptation du monde aux grands et magnifiques défis qui se posent à l'homme, une voix s'élève avec force, et humour, pour dénoncer les mensonges, contre-vérités, manipulations "scientifiques" et autres tromperies assénées à longueur de temps par des politiques irresponsables, des médias complaisants et, hélas,des scientifiques, pas tous heureusement, manipulateurs, "écolos carburant au gaz méthane de leurs petites ambitions personnelles" (Jacques Julliard).

                           Je ne résiste pas au plaisir de vous proposer cet article jubilatoire qui va certes indisposer tous les "khmers verts" de notre bonne planète (ils sont nombreux!...) mais peut-être, je l'espère ouvrir les yeux aux trop nombreux "gogos" manipulés depuis des années par des soi-disant "sauveurs de la planète" auto-proclamés. Les tristement célèbres gilets jaunes, quant à eux, ont, malgré tout, réalisé une seule et unique bonne action : dénoncer l'escroquerie que représentent la taxe carbone et les 70 autres  taxes dites écologiques imposées depuis 1990 en France et dans le Monde ...... Juré, promis,craché, c'est pour sauver la Planète et limiter le tristement célèbre réchauffement climatique à + 1,5 °Celsius à la fin du siècle !!! 

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Réf. : Le Figaro Vox  8 mars 2019, Elisabeth Lévy : "Pour la raison écologique, contre les climato-fanatiques!".

La dernière une de Causeur s’intitule : « Contre la religion du climat, pour la raison ». Vous voilà donc climatosceptique maintenant ?

                     "Certains aimeraient bien ajouter ce chef d'accusation à la liste de nos crimes. Il est curieux que personne n'ait encore proposé une loi pénalisant toute mise en cause de l'urgence climatique ou réprimant la climatophobie cachée derrière le climato-scepticisme. Sauf que nous ne parlons pas du climat mais de la religion apocalyptique dont il est l'objet, culte dont les innombrables prêcheurs et, désormais, les irritants enfants de chœur à couettes et grands yeux confiants, psalmodient en permanence le même message : « La fin du monde approche et c'est de votre faute. Mais si vous faites suffisamment pénitence, l'humanité sera peut-être épargnée. » Si la survie de notre espèce (et des autres) est en jeu, il n'est pas question d'étudier les rapports coûts/bénéfices des mesures envisagées. Il n'y a pas de question qui tienne. Cette semaine, le patron de PSA a déclaré dans vos colonnes que la décision du Parlement européen d'imposer une réduction de 40 % des émissions de CO2 menaçait la santé d'une industrie qui emploie 13 millions de personnes en Europe. Mais peu importe aux climato-fanatiques. Quel que soit le prix à payer, notamment celui de la catastrophe sociale et économique qu'exigerait la révolution qu'ils réclament, il est moins élevé que la mort collective.

Mais qui dit cela ?

                      Les innombrables adorateurs de la planète, à commencer par les brochettes de people qui défilent sur YouTube pour exiger que nos gouvernants entrent en guerre pour le climat, et ceux-ci, qui feignent de s'exécuter. « Zéro carbone en 2050 », jure le président dans sa lettre aux Européens alors que tous les gouvernements peinent à réaliser les objectifs de réduction d'émissions de CO2 prévus par l'accord de Paris. La belle affaire : qui lui demandera des comptes en 2050 sur cette promesse qu'il sait intenable ? La menace climatique existe. Mais si elle était aussi mortelle et imminente que ce que l'on nous dit, l'armée patrouillerait déjà dans nos rues pour nous imposer une quasi-abstinence énergétique. On dirait donc que ceux qui nous parlent de fin du monde n'y croient pas eux-mêmes et que la lutte contre le réchauffement climatique - qui a l'avantage de transcender tous les autres clivages, idéologiques, religieux, culturels, nationaux - est devenue la nouvelle cause indiscutable. Et un nouveau critère de distinction entre les ouverts et les fermés, les gentils et les méchants. La bonne nouvelle, c'est que Juliette Binoche et les autres en oublient de nous dispenser leurs opinions sur la Palestine. Mais Alain Finkielkraut a raison de dire que l'écologie est une affaire trop importante pour être laissée aux écologistes.

Peut-être, mais derrière ce folklore religieux il y a une science !

                    Bien sûr qu'il y a de la science, mais il y a aussi de la croyance, comme en témoignent le flux constant d'incantations et de sermons nous sommant de faire repentance, la virulence des réactions à toute objection et la radicalité des exigences. L'avenir de la planète mérite mieux que ce prêchi-prêcha. La science argumente, elle n'excommunie pas, elle ne fulmine pas contre les hérétiques. Voyez par exemple le terme climatosceptique. Pour un chercheur, le scepticisme n'est pas un crime mais une vertu.
À l'inverse, la dévotion congédie la discussion. Or, que voit-on? Des savants et des militants qui, dès qu'une voix s'élève pour contester tel ou tel point de la doxa catastrophiste, s'adonnent à l'invective et l'anathème. Dans l'arsenal de la bien-pensance, le climatosceptique est en train de rejoindre le fasciste. Et coup de chance, ce sont souvent les mêmes, triomphe Mediapart dans un article d'anthologie consacré aux « négateurs du bouleversement climatique » : «Ils occupent des postes de responsabilités dans des groupes de pression à Bruxelles, siègent en tant que députés conservateurs et libéraux au Parlement européen, dirigent des associations professionnelles néolibérales et déterminent la politique climatique de tous les partis de droite en Europe. Leur point commun : ce sont principalement des hommes de plus de 60 ans.» Sans surprise, revoilà le vieux mâle blanc, fauteur de tous les troubles, y compris écologiques. Bref, le climatosceptique est un salaud du même acabit que le négationniste d'Auschwitz ou le complotiste du 11-Septembre.

Mais nier l'évidence, c'est toujours un crime contre la vérité…

                          Certes, et il y a, dans le grand sac des climatosceptiques, des gens parfaitement délirants. Il y a aussi beaucoup de raisons de penser que, sur la question du climat, on a exagérément étendu le domaine de l'évidence, de sorte que certaines hypothèses, les plus effrayantes bien sûr, se sont imposées comme des vérités. Le réchauffement lui-même ne fait aucun doute puisqu'il est mesurable. En revanche, s'agissant non seulement de ses causes, nécessairement complexes, mais aussi de son évolution future et de ses conséquences, il serait tout de même étonnant qu'une science qui s'est développée dans la période récente soit déjà parvenue à un corpus global incontestable. Et on ne voit pas pourquoi le public, qui est prié d'admettre comme vérité révélée le scénario catastrophe privilégié par une grande partie de la communauté scientifique - encore que le GIEC travaille lui-même sur différentes hypothèses -, ne pourrait aussi entendre les arguments de contradicteurs, quand ceux-ci ont également une légitimité scientifique. Peggy Sastre raconte dans notre dossier comment l'arbre est devenu l'un des emblèmes de la sainte cause du climat. L'idée selon laquelle plus d'arbres, c'est moins de réchauffement s'est, explique-t-elle, imposée comme une certitude - son corollaire étant que la déforestation est l'un des pires péchés de la civilisation industrielle. Résultat, une partie des moyens de la politique du climat a été affectée à la reforestation, de sorte qu'il existe sans doute aujourd'hui un lobby de l'arbre. Mais quand Nadine Unger, professeur de biochimie atmosphérique britannique met en doute cette causalité simple en étudiant le rôle de l'isoprène, un hydrocarbure produit par les arbres, elle est menacée de mort, ce qui ne suggère pas l'existence d'un débat scientifique serein.

Je ne sais pas s'il y a un lobby de l'arbre, mais il y a un lobby automobile et un lobby pétrolier.

                   Oui, et on les sait capables d'acheter des experts, comme n'importe quel autre lobby. Reste qu'ils ne défendent pas seulement les intérêts de « méchants actionnaires avides de profit », mais aussi ceux de millions de salariés. Et leur intérêt n'est pas que nous périssions collectivement par le carbone mais que nous trouvions une trajectoire raisonnable, c'est-à-dire socialement supportable, vers une économie moins carbonée. Or, en dépit de la propagande sur les merveilles du renouvelable, il y a un point sur lequel tous les spécialistes sont d'accord, c'est qu'en l'état des connaissances et des technologies, les énergies renouvelables peuvent à peine servir d'appoint.


Le nouvel objectif brandi par les associations, division des émissions de CO2 par huit d'ici 2050, est en passe de devenir aussi totémique que les 3 % de déficit budgétaire de Maastricht. Pour l'atteindre, il faudra que les bons peuples acceptent de renoncer aux merveilles de la fluidité, de la mobilité et de la flexibilité qu'on leur vante avec force depuis des années. Retour au local, au circuit court, au voisinage. Bien sûr, les stars qui réclament cette conversion à la frugalité devront continuer à voyager, ne serait-ce que pour pouvoir divertir les ploucs sédentarisés, condamnés à manger des topinambours de leur jardin et à pédaler 25 kilomètres pour aller au boulot - s'ils ont la chance d'en avoir un. J'ajoute qu'il serait naïf de prétendre qu'il y a d'un côté de vils intérêts et de l'autre de nobles sentiments. Les fabricants d'éoliennes ont intérêt à vendre des éoliennes et cela n'a rien de condamnable. Il y a aussi des salariés, des consultants, des prestataires payés par les grandes boutiques de défense de l'environnement comme le WWF. Il faut croire qu'on peut-être payé sans être acheté…

À défaut de partager toutes les préconisations de certains écologistes, on pourrait tout de même se mettre d'accord sur le constat et la réalité de la menace ?

                    On peut s'accorder avec certitude sur le passé et sur le présent, dès lors qu'on parle de phénomènes mesurables et observables. Sur le futur, le bon sens suggère que les savants fournissent des hypothèses, même si certaines sont plus probables que d'autres. Ils devraient donc accepter d'examiner des contre-hypothèses et beaucoup le font d'ailleurs, même si la prétention de certains membres du GIEC donne parfois bêtement envie de croire leurs adversaires. Surtout, le fait que ce débat soit préempté par des militants (en chambre pour l'essentiel) n'aboutit qu'à folkloriser un enjeu fondamental. Quand Philippe Torreton, et avec lui, le ban et l'arrière-ban du cinéma français, affirme que «la survie de l'espèce humaine est en jeu à une échelle de temps très courte : la nôtre », il ne stimule pas la réflexion, il la stérilise. Et quand il dénonce « l’inertie mortifère de nos dirigeants », il se paie de mots et de poses.

Tout de même, vous mettez en doute les conséquences que ce réchauffement implique. N'êtes-vous pas dans le déni au sujet du climat comme d'autres sont dans le déni à propos du défi que représente l'islamisme ou l’immigration ?

                      Les conséquences de l'immigration massive et de la montée de l'islamisme n'appartiennent pas au futur, même proche, elles sont sous nos yeux. Du reste, on a parfaitement le droit de contester leur existence et beaucoup ne s'en privent pas. Sauf erreur de ma part, l'espèce humaine n'est pas en train de disparaître sous nos yeux. Cela ne signifie pas que nous doutons des conséquences néfastes du réchauffement climatique, mais que, sur leur ampleur et sur leur imminence, nous pensons qu'il y a plus de questions que ce que vous pensez. Or, la plupart du temps, les problèmes sont présentés dans une seule perspective, avec une seule dimension. On est pour ou contre. Le WWF vient de lancer une mobilisation générale contre le plastique qui est effectivement un fléau pour la beauté et la biodiversité du monde et qui, en prime, est responsable d'une partie des émissions de CO2. Mais on ne peut pas traiter ce problème en oubliant les incroyables progrès de la sécurité alimentaire qu'il a permis, ni en faisant fi de la nécessité de mettre en place des alternatives sérieuses avant de l'abandonner.

D'ailleurs à ce sujet, le meilleur moyen d'éviter des migrations climatiques massives n'est-il pas de mener une politique écologique sachant que les pays d'Afrique seront le plus impactés ?
                    
                        Pardonnez mon scepticisme, pour le coup, mais le changement climatique n'est pas la première raison de la « ruée vers l’Europe », même s'il contribuera à l'aggraver dans l'avenir. La politique écologique réaliste susceptible d'enrayer le phénomène à court ou moyen terme n'existe pas plus que la merveilleuse croissance verte et les millions d'emplois verts dont on nous rebat les oreilles. Evidemment qu'il faut une politique de l'écologie arbitre entre les impératifs de l'avenir et les contraintes du présent. Mais aujourd'hui, on prétend, en jouant sur nos « grandes peurs », arracher l'écologie à la politique, c'est-à-dire à l'histoire, pour l'arraisonner exclusivement à la métaphysique et à la morale. Les objectifs hors d'atteinte que brandissent les croisés du climat aboutissent en réalité à décourager l'action.

N'ont-ils pas en partie raison, cependant, lorsqu'ils dénoncent la folie de notre société de consommation ? L'homme ne manque-t-il pas parfois d'humilité face à la nature ? Ne faut-il pas nous fixer certaines limites ? Dire que la terre, dont nous avons hérité, doit être préservée pour être transmise aux générations futures, ne me paraît pas absurde. Le conservatisme écologique rejoint le conservatisme culturel …
Oui, l'homme manque d'humilité face à la nature, ça lui a permis de réaliser mal de choses, qui ne sont pas toutes honteuses. Pour autant, vous avez raison, nos sociétés sont organisées par un ubris de production et de consommation qui finira par rendre le monde inhabitable. Ainsi, l'agriculture productiviste détruit-elle lentement les sols. Prétendre que le changement de ce modèle peut se faire à marche forcée et à coups de slogans, croire qu'on va remettre la planète dans l'était où elle était en 1750, c'est se payer notre tête. Et puis, il est savoureux d'entendre des journalistes communier le matin avec des gilets jaunes bouffeurs de diesel qui refusent d'être les exclus de la consommation et prôner l'après-midi le retour au véritable sens des choses en lieu et place de la consommation de masse. Un changement considérable des modes de vie et des représentations est certainement nécessaire. Mais il prendra des générations. Enfin, c'est sans doute un tort d'établir des hiérarchies, mais les cultures aussi peuvent disparaître - et peut-être plus vite que la planète. Et voyez-vous, ça m'inquiète autant, sinon plus, que le réchauffement climatique. Mais je blasphème.
Nos sociétés sont organisées par un ubris de production et de consommation qui finira par rendre le monde inhabitable.

Tout de même, vous ne pouvez pas être indifférente au sort des générations futures.

                         J'aime tellement les générations futures que je leur souhaite d'abord d'avoir le privilège d'acquérir, grâce à la fréquentation des trésors de notre culture, la capacité de penser ce qui nous arrive. Et je crois tellement en elles que je leur fais confiance pour trouver des solutions inédites aux problèmes créés par leurs pitoyables ancêtres - comme l'ont toujours fait les générations futures avant elles. Blague à part, évidemment que nous ne vivons pas seulement pour nous et que le sort de nos descendants nous importe. Pour autant, la vérité ne sort pas de la bouche des enfants. Depuis quelques mois, on assiste, dans le monde développé, à une sorte de croisade des enfants, transformés par une intense propagande en petits gardes verts priés de rééduquer leurs parents. Le spectacle d'adolescents séchant les cours pour la planète (elle est bonne celle-là), ou celui de la petite Suédoise à nattes faisant la leçon aux grands de ce monde est peut-être très sympathique - quoiqu'au vu des chiffres il soit très exagéré de parler de mobilisation de la jeunesse. Celui des grands en question écoutant avec déférence une gamine à l'air buté est à la fois hilarant et affligeant. En tout cas, je propose qu'on attende quelques années avant de céder leur céder les commandes, à ces générations futures qui pensent si bien."
 

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             Cela s'appelle remettre les pendules à l'heure.....Les écologistes raisonnables apprécieront ! CLIMAT, que de bêtises ont été dites, sont dites et seront encore dites en ton nom....


" Le fait d'être socialement privilégié n'immunise pas contre la bêtise".

               Mathieu BOCK-CÔTE








mercredi 6 mars 2019

BERNANOS



"Il y a une bourgeoisie de gauche et une bourgeoisie de droite. Il n'y a pas de peuple de gauche ou de peuple de droite."

                        Georges BERNANOS


   Jacques Julliard parle de Georges Bernanos, quel régal !!


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Réf. : Le Figaro  4 Mars 2019  "Bernanos aujourd'hui présent "  Jacques Julliard




«J'écris ce livre pour moi et pour vous - pour vous qui me lisez, oui: non pas un autre, vous, vous-même. J'ai juré de vous émouvoir - d'amitié ou de colère, qu'importe? Je vous donne un livre vivant.»

           "Cette apostrophe célèbre, en ouverture à La Grande Peur des bien-pensants, a électrisé notre jeunesse. Elle appartient à cette littérature d'interpellation qui fait de Georges Bernanos un prince du verbe parmi les siens. Les siens, c'est-à-dire les écrivains chrétiens - ou, pour mieux dire, christiques - qui commencent avec Pascal Console-toi ; tu ne me chercherais pas, si tu ne m'avais trouvé») et qui s'épanouissent dans la première moitié du XXe siècle. À la fin du XIXe, Huysmans, Barbey d'Aurevilly, Villiers de L'Isle-Adam et surtout Léon Bloy ont ouvert la voie, cette voie royale dont les étapes se nomment Péguy, Claudel, Bernanos lui-même, Simone Weil, sans compter les philosophes, Bergson, Maritain, les journalistes, Mounier, Clavel…

Des Don Quichotte du spirituel

               Et cela au moment même où la France se déchristianise dans ses profondeurs! Formidable chiasme du spirituel et du sociologique, littérature de résistance donc, chefs-d'œuvre à contre-courant: c'est ce qui leur confère ce ton de défi, cette insolence irrésistible, toutes amarres larguées, cet anticonformisme sans bluff.
Ce sont des Don Quichotte du spirituel. De là ce ton inimitable, cette flamboyance folle qui a donné à la prose française une intensité inégalée jusqu'alors. Lisez donc une page de Tête d'or ou de Partage de midi, de Claudel, de Notre jeunesse, de Péguy, de La Joie ou des Grands Cimetières sous la lune, de Bernanos, et l'évidence s'impose: à côté, Gide, Valéry, Camus sont gais comme une après-midi de Toussaint. Tenez, à propos du premier, voici ce qu'en disait Claudel, qui n'en ratait jamais une: «Gide se figure qu'il est simple parce qu'il est plat, qu'il est classique parce qu'il est blafard. C'est un clair de lune sur un dépôt de mendicité."



«Dieu me damne, voilà son portrait véritable»… Quand on écrit, ce n'est pas pour s'enchanter de son élégance et se bercer de ses propres cadences ; quand on écrit, c'est pour casser les vitres. Les hommes dont je parle ici ont mis toute leur moralité dans leur écriture, toute leur espérance, qui était grande, dans leurs mots. Il n'y a au fond que deux sortes d'écrivains, ceux qui préparent à un sommeil agréable et ceux qui empêchent de dormir. Les miens appartiennent à la seconde catégorie.

Il y a aujourd'hui une «actualité» de Bernanos. D'abord parce qu'il est tombé dans le domaine public, le «domaine» tout court, comme on dit dans l'édition, qui nous vaut chez Flammarion la réédition de deux romans, Sous le soleil de Satan et Journal d'un curé de campagne et dans «Bouquins», chez Laffont, une publication d'essais, de pamphlets, d'articles et de témoignages. Épatant. Il n'y manque que La Grande Peur des bien-pensants, pour délit d'antisémitisme. Je comprends ça. J'ai décliné jadis la proposition de préfacer La Grande Peur, et préféré La France contre les robots…

L'antisémitisme juvénile de Bernanos, je vais y revenir. Mais sa véritable actualité est bien au-delà. C'est un paradoxe: Bernanos est actuel parce qu'il est antimoderne. Il est même, avec son maître Péguy, l'antimoderne par excellence. Pourquoi? Parce qu'il a vu dans la modernité la plus formidable entreprise de démolition du spirituel qui se soit jamais levée, le primat absolu de l'avoir sur l'être, dans les catégories de Gabriel Marcel (tiens, encore un!), un complot permanent contre la liberté de l'esprit et la réduction de toutes les valeurs à la valeur de l'argent. Rien n'illustre mieux à ses yeux cette déspiritualisation du monde que son invasion par les machines. La France contre les robots (1946), son dernier livre, en dehors de recueils d'articles, est dominé par l'idée qu'«un monde gagné par la technique est perdu pour la liberté».



Mal accueilli par la critique, y compris par Emmanuel Mounier, qui dénonçait son «passéisme», ce livre retentit aujourd'hui pour nous d'accents prophétiques contre le totalitarisme et contre la tyrannie technicienne. Avant Carl J. Friedrich et Zbigniew K. Brzezinski, avant Hannah Arendt et Claude Lefort, les grands théoriciens du totalitarisme, Bernanos a parfaitement compris que le monde moderne, «le cœur dur et la tripe sensible», comme il dit si bien, relevait d'une certaine conception de l'homme, commune aux libéraux anglais et aux marxistes: le totalitarisme politique, qu'il soit la dictature de l'argent, de la race, de la classe ou de la nation, repose d'abord sur la réduction de l'homme à l'animal économique qui demeure en lui. Fascisme, communisme, libéralisme, au nom d'un mythe dévoyé, celui du progrès, ne sont jamais que trois formes d'asservissement de l'individu au « monde des machines». Car Bernanos ne craint pas de placer le libéralisme ploutocratique anglo-saxon dans le même panier que les dictatures que ce dernier prétend combattre.

Génie provocateur

               Mais voici le plus neuf et le plus déconcertant: pour lutter contre toutes ces formes modernes de la servitude, à qui ou à quoi le vieux nostalgique de l'Ancien Régime, ou plutôt de la monarchie, s'en remet-il? Je vous le demande et vous aurez peine à le trouver: à la seule révolution libératrice, à notre grande révolution, à l'universelle Révolution française!
«Je répète que la Révolution de 89 a été la révolution de l'homme, inspirée par une foi religieuse dans l'homme, au lieu que la Révolution allemande du type marxiste est la révolution des masses, inspirée non par la foi dans l'homme mais dans le déterminisme inflexible des lois économiques qui règlent son activité, elle-même orientée par son intérêt.»
Oserai-je vous suggérer que cela est très beau, et que, au-delà des wagons entiers de littérature révolutionnaire ou des émois périodiques de tant de petits historiens coupeurs de têtes, c'est la vérité profonde de la Révolution française qui est ici proclamée?

Après cela, il est facile de comprendre qu'il ne reste plus rien, hormis l'entêtement de l'auteur, qui est incommensurable, de cette sanctification juvénile de Drumont et de cet antisémitisme à l'ancienne dont, avec son génie provocateur, il prétendra un jour qu'il a été déshonoré par Hitler. Comme si l'on pouvait déshonorer l'antisémitisme! N'importe: il faut prendre Bernanos tel qu'il est.
Dans ce grand combat contre le monde moderne, il me reste à dire le plus beau: la fidélité à l'enfance et aux valeurs libératrices du christianisme. Depuis trois siècles, notre littérature est traversée par un grand clivage, et combien éclairant! Celui qui sépare les écrivains de l'adolescence, comme Rousseau, qui a inventé la chose, Stendhal ou encore Barrès, et les écrivains de l'enfance, sous les espèces de deux génies antithétiques: Proust, qui n'a cessé de la revivre, Bernanos, qui n'a cessé de s'en réclamer. À un moment du livre où on ne l'attendait pas, le voici qui déclare tout à trac dans Les Grands Cimetières: «J'écris pour me justifier - aux yeux de qui - je vous l'ai déjà dit, je brave le ridicule de vous le redire: aux yeux de l'enfant que je fus.»

Valeurs communes à la chevalerie et à la sainteté

               De telles déclarations abondent dans l'œuvre de Bernanos. Mais ici elle prend une importance particulière au cœur d'un livre qui, quoi qu'on dise et quoi qu'il en ait dit, constitue, au spectacle de la barbarie franquiste une rupture éclatante avec son passé d'homme de droite, un temps camelot du roi et longtemps admirateur de Charles Maurras. Oui, il a écrit Les Grands Cimetières, le plus beau livre de combat du siècle, et à bien des égards de combat contre lui-même, par fidélité à l'enfant qu'il avait été. On ne joue pas avec l'enfance. On ne triche pas avec l'enfance. On ne ment pas à son enfance.

S'adressant dans la préface à ses «compagnons inconnus, vieux frères, troupe harassée, troupe fourbue, blanche de la poussière de nos routes», il avoue avoir perdu leurs traces «à l'heure où l'adolescence étend ses ombres» (sic). Cette notation rapide en dit beaucoup. Mais, demanderez-vous, quel rapport avec le monde moderne? Pour Bernanos, l'enfant est ce qu'il est dans l'Évangile: le regard de Dieu sur le monde. Pour Freud et pour la modernité, c'est un pervers polymorphe.

En vérité, le monde moderne n'a qu'un véritable adversaire, qui n'est ni le marxisme, ni le socialisme, ni même l'écologie, mais le christianisme de la première épître de saint Jean: «Mes petits enfants, gardez-vous des idoles.»



C'est ce langage de l'enfance qu'il cherche obstinément de livre en livre, même s'il désespère de jamais le trouver, parce qu'«on ne parle pas au nom de l'enfance». C'est même le sens profond de son combat politique: «Parce que la part du monde encore susceptible de rachat n'appartient qu'aux enfants, aux héros et aux martyrs.» Il a bien dit «rachat». Il a bien rapproché les enfants des héros et des martyrs. C'est pourquoi - est-il besoin de le dire? - ses catégories politiques ne sont pas celles des praticiens de la politique. Foin de la gauche et de la droite! Ce sont les valeurs communes à la chevalerie et à la sainteté, ce sont celles, indissolublement unies, de l'honneur et de la miséricorde.

Non, Michel Onfray, on ne peut opposer, comme vous le faites, la pitié, qui appartiendrait à l'ordre chrétien, à l'honneur, qui appartiendrait à l'ordre romain. Dans la politique bernanosienne dont on me permettra de dire qu'elle est un peu la mienne, l'ordre de la pitié, ou si l'on préfère de la charité, est la seule justification d'une politique de l'honneur, qui sans cela tombe si facilement dans le coup de menton et la clinquaille (je n'aime plus autant Corneille que dans ma jeunesse…). Alors, oui, l'honneur. Mais au service de la charité ou alors rien! Car enfin, sans la pitié, la douce pitié de Dieu, l'honneur, mon cher Onfray, avec toute sa verroterie néoclassique, ce n'est pas grand-chose. Oui, il faut mettre l'honneur au service de tous et à la portée de tous, ce qui est peut-être la meilleure définition possible de la démocratie. Je préfère laisser la parole à Bernanos lui-même:

«Nous avons fait ce rêve de mettre l'honneur à la portée de tout le monde, il faut que nous le mettions aussi à la portée des gouvernements. Nous croyons qu'il y a un honneur de la politique, nous croyons, non moins fermement, qu'il y a une politique de l'honneur et que cette politique vaut politiquement mieux que l'autre» (Nous autres Français, «Pléiade», Essais, II, p. 764).

Après cela, il faut un grand silence. Faisons, s'il vous plaît, un grand silence parce que nous comprenons bien que tout à coup quelqu'un a parlé et qu'il a dit quelque chose.




               Reste un dernier éclairage. C'est le plus difficile, le plus scandaleux aussi, dans un monde qui a fait du bien-être et de la décontraction les valeurs suprêmes. Navré, mais ce sont des articles que Bernanos ne tient pas en magasin. C'est un poète du tragique, le plus grand, non pas après mais avec Dostoïevski. Je n'ai jamais pu entrer dans un roman de Bernanos sans une boule au ventre. J'ai lu Monsieur Ouine, bien entendu, je n'ai jamais pu le relire. Quant à ce livre qu'il a osé intituler La Joie, il aurait pu tout aussi bien l'appeler L'Angoisse. Rien à voir avec ce léger sentiment d'anxiété qui nous prend à de certains moments de notre existence, et qui relève tout entier de la psychologie. D'ailleurs, Bernanos déteste la psychologie.

L'Imposture, la bien nommée, à laquelle justement La Joie fait suite, est une charge terrible, injuste à force d'être violente, contre toutes les formes de ce qu'en langage moderne on appelle le psy: psychologie, psychiatrie, psychanalyse. Il y a dans le personnage de La Pérouse, le psychiatre, quelque chose de cette imposture qui a fini par dévorer de l'intérieur ce grand intellectuel en perdition qu'est l'Abbé Cénabre.

L'angoisse de mourir

                Et voici le message le plus impitoyable du chrétien Bernanos: la sainteté n'est pas le plus aimable des dons de Dieu ; la sainteté n'est pas un remède contre l'angoisse. La mort des saints est aussi terrible, parfois davantage, que celle des imbéciles et des imposteurs. «Il est dur de mourir, ma fille», avoue l'Abbé Chevance, le confesseur des bonnes, la figure peut-être la plus christique d'un univers qui en compte tant, comme Donissan, ou ce saint sans nom qu'est le curé de campagne. L'agonie, la «Sainte Agonie», comme dit Bernanos de celle de Jésus, n'est pas une agonie pour rire. Le Christ a transpiré d'angoisse. Jusqu'à la fin de sa vie, Bernanos a été obsédé par l'angoisse de mourir, dont il a fait un chef-d'œuvre dramatique: Dialogue des Carmélites.
L'homme qui tout au long de son œuvre a vu dans l'optimisme la vertu propre aux imbéciles ne nous laisse accéder à la joie - car enfin il a appelé La Joie son roman - qu'à la dernière minute, dans cette minute de vendredi saint où tout ce qui est perdu se trouve tout d'un coup sauvé. La joie n'est que l'angoisse enfin vaincue par plus fort qu'elle. Il en va de même de cette forme suprême de la joie humaine que l'on appelle l'espérance. Le désespoir est le terrain naturel sur lequel la grâce peut commencer à agir.

«L'optimisme est une fausse espérance à l'usage des lâches et des imbéciles. L'espérance est une vertu, virtus, une détermination héroïque de l'âme. La plus haute forme de l'espérance, c'est le désespoir surmonté


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                    Voilà qui change des discours interminables et technocratiques d'un télévangéliste aux abois qui prétend remettre la France en marche mais qui tourne en rond à l'image de pathétiques "gilets jaunes" errant "comme des somnambules autour du rond-point d'une société bloquée n'ayant plus comme ciment que la haine sociale et la violence" (Nicolas Baverez).......


" En décembre dernier, souvenez-vous, les Français étaient malheureux. Aujourd'hui, ils dont mécontent. C'est un progrès."

                  Charles de GAULLE





                 

lundi 4 mars 2019

CONCERT : Camille SAINT-SAËNS, André CAPLET, Lili BOULANGER





" Après la parole de Dieu, le noble art de la musique est le plus grand trésor au monde."

             Jean Sébastien BACH


     
               La chorale Ensemble Vocal Renaissance donnera un unique concert le jeudi 28 mars prochain à la cathédrale Notre Dame du Havre.


            Construit autour du poème biblique Le Déluge oratorio de Camille Saint-Saëns, le programme de ce concert nous invite à une plongée dans le flot de la musique vocale française de la fin du XIXe et du début du XX siècle. Avec ces œuvres rares, parfois inédites, de compositeurs tels que André Caplet et Lili Boulanger qui incarnent le « style français » et plus particulièrement l’esthétique propre aux canons du Prix de Rome : clarté, élégance, raffinement mais aussi souffle lyrique, puissance évocatrice dans la tradition de notre romantique français Hector Berlioz.


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André CAPLET (1878-1925)



          « Ce Caplet est un artiste. Il sait trouver l’atmosphère sonore et, avec une jolie sensibilité a le sens des proportions ce qui est plus rare qu’on ne le croit, à notre époque de musique bâclée » disait Debussy de son ami Caplet, lauréat du Prix de Rome en 1901.

           Né au Havre, André Caplet a reçu dès son plus jeune âge une solide éducation musicale tout d’abord à l’école de musique du Havre puis, encouragé par ses professeurs qui détectent en lui « une belle et forte nature musicale » au Conservatoire de cette même ville où il fût élève d’Henri Woollett qui le considérait comme son « fils artistique » et enfin au Conservatoire de Paris où il obtint un premier Prix en 1897.

           Ami et collaborateur de Debussy, il fût un acteur de tout premier plan dans la vie musicale du début du XXe siècle, reconnu internationalement pour ses qualités de chef d’orchestre et de compositeur. Étonnamment, ce sont les œuvres vocales religieuses qui, par la sincérité et la modernité de l’expression, ont contribué, plus d’un demi-siècle après sa mort, à la redécouverte de son talent de compositeur puis à entretenir sa notoriété : Le Miroir de Jésus, la Messe à 3 voix et Les Prières.En revanche, les rares œuvres chorales de Caplet pour chœur mixte et orchestre sont des œuvres de jeunesse dans la tradition française dans lesquelles on trouve déjà les qualités qui définiront l’esprit de sa musique : riche palette sonore de l’orchestre, attirance pour les sonorités aériennes, inspirations poétiques. Il a aimé la voix humaine par-dessus tout et a plus écrit pour celle-ci que pour les instruments. La qualité de l’écriture de ses œuvres mélodiques, dont le traitement des timbres dénote un profond désir de recherche, témoigne de son amour inconditionnel de cette expression musicale.

              Eté, composé en 1899, est une pièce chatoyante et lyrique qui exalte avec ardeur le poème de Victor Hugo
   
              Spectacle Rassurant, composé en 1901, est inspiré d’un poème du recueil Les Rayons et les Ombres de Victor Hugo. Cet hymne radieux à la nature étonnera par la puissance de son expression et la modernité de l’orchestration.
Afin de faire rayonner ces deux œuvres chorales du compositeur havrais, un accompagnement pour piano à quatre mains a été demandé à Gilles Treille par l’association Choralies Normandie. La première mondiale a eu lieu au Havre le 1er avril 2017.

              Pâques Citadines, composées un an auparavant sont inspirées d’un texte poétique d’inspiration chrétienne relatant le retour des cloches le jour de Pâques, symbole du renouveau et de la résurrection. Cette œuvre montre à l’évidence l’attirance de Caplet dans ses premières années pour l’impressionnisme.

              Les Prières, mélodies pour chant et piano, sont trois magnifiques pièces dédiées aux soldats morts pour la Patrie (1914-1917). Écrites en forme de cri d’espoir elles sont révélatrices de l’inébranlable foi catholique qui animera André Caplet tout au long de sa vie, jusqu’à le mener au mysticisme, et de son ardent souci de salut éternel.  



                       
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Lili BOULANGER (1893-1918)



               La carrière de Lili Boulanger, première femme à recevoir le Grand Prix de Rome (1913) fût aussi courte que brillante. Prématurément disparue à 25 ans, elle nous a légué une œuvre profonde, émouvante, tendre, pleine de ferveur lumineuse et de spiritualité. Celle-ci a transformé sa souffrance en une pure et bouleversante beauté que l’on retrouve dans sa musique, manifestation de génie à l’état pur, exprimant une vie spirituelle d’une grande richesse.

                 Quelle meilleure définition de l’écriture musicale de Lili Boulanger que celle donnée par le compositeur et musicologue, Louis Vuillemin, spécialiste reconnu de la musique française du début du XXe siècle, qui en 1921 la décrivait en ces termes : « Une sensibilité aiguë et prodigieusement humaine servie dans son expression par la gamme complète des dons naturels depuis la grâce, la couleur, le charme et la subtilité jusqu’au lyrisme ailé, jusqu’à la force claire, aisée et profonde. De telles vertus si rarement assemblées au bénéfice d’un seul tempérament créateur ».


                                                                        
                    Pour les funérailles d’un soldat, écrites en 1913 à l’orée de la première guerre mondiale, est une œuvre ombrageuse et puissante, marche funèbre âpre et solennelle qui sonne comme un drame en miniature. La musique de Lili Boulanger sur l’hymne médiéval du Dies Irae et le poème d’Alfred de Musset se marient à merveille. C’est grave, puissant et en même temps magnifique. Cette poignante partition, évoquant au travers d’un rituel funéraire sombre et formel la misère humaine, sera interprétée ce soir dans sa version piano, faisant alors résonner dans toutes les directions au-dessus de celui-ci la sombre clé du si bémol mineur.

                              
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Camille SAINT-SAËNS (1835-1921)




             « Il est possible d’être aussi bon musicien que Saint-Saëns, il est impossible de l’être plus » disait Franz Liszt de son ami. Homme de grande sensibilité et d’une bonté hors de pair, Camille Saint-Saëns défendait une certaine tradition française d’élégance, d’équilibre et de clarté. Il n’hésitait pas à proclamer sa doctrine de l’art pour l’art lui qui disait « faire du théâtre » en écrivant ses œuvres dramatiques. Son œuvre chorale, considérable, en fait le premier héritier français d’Hector Berlioz et de Franz Liszt.
Saint-Saëns, doué d’une grande facilité de composition, écrit de la musique logiquement ordonnée, fortement conçue, clairement déduite et foncièrement classique. Sa beauté réside dans la ligne mélodique, l’enchaînement des harmonies, le choix des rythmes.

               Le Déluge, poème biblique pour solistes, chœur et piano, composé en 1876, occupe une place brillante dans la lignée des grandes fresques chorales françaises du XIXe siècle dont Berlioz fut l’initiateur. Les œuvres chorales à sujet religieux convenaient alors au repli général de la société de l’époque, après la guerre de 1870, désireuse d’oublier la défaite et d’effacer la frivolité de l’Empire. A l’origine de cet oratorio, cette phrase étonnante de la Genèse dans l’Ancien Testament : « Et Dieu se repentit d’avoir créé le monde » qui servira de trame à un drame symphonique en trois parties reprenant ou paraphrasant le texte biblique : Corruption de l’Homme et colère de Dieu (1ière partie), L’Arche de Noé et le Déluge (2ième partie), La Colombe et la bénédiction de Dieu (3ième partie).

               Saint-Saëns était sensible aux couleurs brutales, aux évocations âpres de l’Ancien Testament. Le thème fugué de la 1ière partie du Déluge qui évoque la colère de Dieu (« Car ces hommes que je maudis, se sont détournés de ma face et m’outragent de leurs défis ») en est une terrifiante illustration qui ne peut laisser l’auditeur indifférent ; il en est de même, dans la 2ième partie, du puissant unisson du chœur  (« Et les eaux du déluge envahirent la terre…, se heurtèrent les flots et les vents furieux ») et du chromatisme ascendant du piano illustrant la montée des eaux, et enfin de la fugue grandiose de la 3ième partie (« Croissez donc et multipliez ») qui conclut à la manière de Haendel cette œuvre audacieuse.

                    
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                    Ce concert donné en la cathédrale Notre-Dame du Havre illustre à merveille cette affirmation de Saint-Saëns selon laquelle « En art il faut du talent, il faut du style ; et où le grand style se réfugiera-t-il, si ce n’est dans l’Eglise, où les applaudissements, les succès, ces misères de l’art, n’existent pas » !!
       






" Cette beauté qui éduque le regard et élève l'esprit, qui donne de la grâce à une personne comme à un pays qui sait tenir son rang."

                        François d'ORCIVAL