dimanche 20 janvier 2019

DÉBAT NATIONAL : JALOUSIE, ENVIE, CONFIANCE




" La jalousie est le désir de s'approprier le bien d'autrui. L'envie est bien plus perverse : elle réclame la destruction du bien ou de l'avantage d'autrui car il blesse l'ego de celui qui ne l'a pas."

                Jean-Philippe VINCENT

                           Le grand débat national que vient d'organiser, contraint et forcé, Emmanuel Macron faute de n'avoir pas écouté le peuple (répéter "j'entends" à longueur de discours ne suffit pas...) et réagi à temps face à cette "fronde économique" astucieusement organisée par les réseaux sociaux et relayée par les médias en mal d'audience, va vraisemblablement aboutir à des décisions plus démagogiques les unes que les autres ( le fameux "faire payer les riches !"...) qui vont augmenter encore la dette du pays (2300 Md d'euros, 100% du PIB.....), faire fuir les investisseurs et dresser encore un peu plus les Français les uns contre les autres. Bref tout le contraire de ce qu'il faudrait faire pour redresser notre pauvre France : Bravo l'artiste !! 

              Jean-Philippe Vincent analyse avec pertinence les ressorts de ce désastre en préparation: envie et jalousie d'une part, perte de confiance d'autre part.


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Réf : Le Figaro 19 janvier 2019  "Débats"  J-Ph. Vincent  




                                 "Lorsque l'on examine de près le «programme» des «gilets jaunes» on ne peut qu'être frappé par la place que l'envie y tient. Car il ne s'agit pas tant de protéger les «petits» que de rabaisser les «gros» (l'idée d'un plafond de revenu de 15.000 euros en témoigne) et, en définitive de les humilier. C'est l'envie des supposés «petits» contre les «gros» ou prétendus tels.

                         Cette haine envieuse n'est pas chose neuve en France. Qu'on se rappelle les mythes des «deux cents familles» et aussi celui du «mur d'argent» analysés naguère par Pierre Birnbaum. Qu'on se souvienne, il y a plus longtemps, du déferlement d'envie qui caractérisera, par exemple, les journées révolutionnaires de juin 1848 et l'analyse psychologique qu'en fit Tocqueville. Il en donna alors de nombreux exemples, en particulier la fureur envieuse de son portier qui parlait ni plus ni moins que de l'abattre. Par bonheur, Tocqueville dépeignit aussi son valet Eugène, immunisé contre la folie envieuse: «Toujours très content de lui-même et assez d'autrui, il ne convoitait d'ordinaire que ce qui était à sa portée et atteignait à peu près, ou croyait atteindre, tout ce qu'il convoitait, suivant ainsi, à son insu, les préceptes que les philosophes donnent et ne suivent guère.



                         Mais la passion envieuse de toujours a pris, avec les «gilets jaunes», une ampleur vraiment inédite. La preuve en est qu'au bout de semaines de manifestations et de saccages, ils continuent de bénéficier du soutien de beaucoup de Français. Naturellement, la passion de l'envie n'est pas l'unique raison de l'assentiment qui entoure souvent les «gilets jaunes». Certaines de leurs revendications peuvent paraître légitimes. Mais l'envie demeure ancrée dans le cœur de beaucoup de nos concitoyens. Pour le malheur de notre pays.


                         L'envie est en effet une passion triste, mortifère, destructrice, jamais satisfaite. Comme l'a montré un des pères de l'Église latine, Cyprien de Carthage (200-258) dans son traité La Jalousie et l'envie, ces deux termes ne se confondent pas. La jalousie est le désir de s'approprier le bien d'autrui pour en bénéficier. L'envie est bien plus perverse: elle réclame la destruction du bien ou de l'avantage d'autrui car il blesse l'ego de celui qui ne l'a pas. L'envie est donc une passion totalement négative et destructrice. Envier, c'est regarder de travers (in-videre), c'est littéralement jeter le mauvais œil sur l'autre, comme l'a montré Helmut Schoeck dans son livre L'Envie. Une histoire du mal. L'envie c'est certes l'attitude de l'homme qui voit avec jalousie les succès de l'autre, même lorsque ceux-ci n'ont pas pour lui de conséquences désagréables et qui en ressent un sentiment d'infériorité et d'humiliation. Mais c'est plus que ça: c'est souhaiter, vouloir désirer la destruction, l'anéantissement du bien ou de l'avantage de l'autre, même si on a aucune chance d'en bénéficier. C'est, en définitive, vouloir la diminution du bien d'autrui au motif que le bien de l'autre représente un échec du désir ou une diminution de l'être. Il n'est pas étonnant que certains «gilets jaunes» détruisent tant: ils assouvissent ainsi leur passion envieuse.




                           Le problème, et il est sérieux, est que l'envie généralisée est incompatible avec le bien commun et la confiance qui en est le fruit ou la manifestation. L'envie généralisée, en effet, rend impossible la définition d'un bien commun et ne permet pas de souder les individus autour d'un projet partagé. Les trois composantes du bien commun sont connues: la paix, la justice et l'amitié. L'envie est une guerre des envieux contre tous ceux qui ne le sont pas ; l'envie est également une sorte de vengeance privée - les déprédations auxquelles se livrent les «gilets jaunes» en témoignent ; le sentiment envieux, enfin, est radicalement contraire à l'amitié civile si nécessaire à l'épanouissement de la confiance. Il ne fait donc guère de doute que la montée des sentiments envieux est une des causes principales de l'émergence d'une société de défiance comme l'est devenue la France.   

                         Alors, comment rebâtir la confiance, comment restaurer ce que l'envie a détruit? Les économistes spécialistes de la confiance, notamment Jean Tirole, ont montré par exemple tout le parti qu'une entreprise pouvait tirer de la confiance ou de la réputation. Une entreprise est en effet un nœud de contrats: entre le management, les actionnaires, les salariés, les fournisseurs et les clients. Si l'entreprise parvient à développer une bonne réputation, une vraie confiance entre les différents cocontractants, alors les coûts diminueront et les transactions seront plus faciles et plus nombreuses. Pour les entreprises, la confiance est un capital précieux et même indispensable. Pourquoi ne pas s'inspirer, pour retrouver la confiance en société, des bonnes pratiques de certaines entreprises?

                             Quant à l'État, il gagnerait fort à s'inspirer des travaux sur l'incohérence des politiques publiques de deux prix Nobel d'économie, Finn Kydland et Edward Prescott. Ces derniers ont montré que les pouvoirs publics sont souvent tentés de renier leurs promesses pour obtenir des résultats jugés optimaux. Par exemple, on accordera un avantage fiscal pour favoriser telle forme d'épargne ou tel type d'investissement ; puis, une fois de premiers résultats obtenus, on supprimera arbitrairement cet avantage parce qu'on estime que l'argent public serait mieux employé ailleurs. Mais, en agissant de cette sorte, les pouvoirs publics ruinent la confiance que les épargnants et les investisseurs pouvaient leur accorder. Et ce discrédit est la plupart du temps durable. L'action publique, hélas, est souvent une longue histoire de promesses reniées. Au bout du compte la perte de confiance qui en résulte finit par coûter très cher. Pour l'État, la seule façon de recréer la confiance consiste alors à se lier par des règles et à les respecter coûte que coûte.

                               Ce ne sont que deux pistes économiques pour recréer un peu de confiance dans la société française. Mais, à l'heure des «gilets jaunes» et de l'envie généralisée, il en faudra d'autres. Sortir de l'envie et renouer avec la confiance, voilà qui mériterait un grand débat national".

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          Ce débat national pourrait conduire à un désastre national si l'autorité de l'Etat n'est pas restaurée rapidement. A commencer à l'Elysée, véritable pétaudière où petits marquis et petites frappes semblent y faire la pluie et le beau temps.

          Emmanuel Macron serait bien inspiré de relire le testament de Louis XVI qui recommande à son fils qu' "il ne peut faire le bonheur des peuples qu'en régnant suivant les lois." ...."Mais en même temps qu'un roi ne peut les faire respecter, et faire le bien qui est dans son cœur, qu'autant qu'il a l'autorité."   ( Edouard TETREAU, Le Figaro 10 janvier 2019)






    "N'inspirant point du respect, le souverain est plus nuisible qu'utile".

                               LOUIS XVI

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