lundi 13 août 2018

AFFAIRE BENALLA : la fin du "nouveau monde"




  " Le drame de notre temps, c'est que la bêtise se soit mise à penser".

                   Jean  COCTEAU


                   Le feuilleton du mois de juillet dernier que l'on pourrait intituler " Les pieds nickelés de l'Elysée"est provisoirement interrompu. Grotesque sur la forme cette affaire politico-médiatique "pose question" sur le fond comme on dit chez les bobos-intellos parisiens. Max Tandonnet  en donne un éclairage sans appel sous l'angle de la solidarité revendiquée par notre Président de la République qui a réussi à mystifier les Français l'espace d'une élection. 



Réf. : Le Figaro du 13 août , Chronique de Maxime Tandonnet : "La fin du nouveau monde ouvre une ère d'incertitude".



                      " Lors de son interview au Point, le 29 août 2017, le président Macron dénonçait «les forces du monde ancien» qui «font échouer la France». En mai-juin 2017, l'accession au pouvoir des nouvelles équipes dirigeantes, à l'Élysée, à Matignon comme au Palais Bourbon, fut le fruit de l'élection présidentielle la plus chaotique de l'histoire. Le succès électoral d'En marche! est donc né d'un vertigineux scandale. Il s'inscrivait dans le contexte d'un pays traumatisé par la succession d'affaires et de drames mettant en cause ses dirigeants, à l'image de l'emblématique «affaire Cahuzac».

    En réaction au naufrage de la politique française dans un climat à la fois délétère et explosif, tournant le dos aux personnalités et aux partis traditionnels, en 2017, les Français, assoiffés d'exemplarité, ont porté au pouvoir des hommes et des femmes incarnant le renouvellement. La transformation de la vie publique française dans le sens de la vertu s'est imposée comme la clé idéologique de la nouvelle équipe dirigeante.
Ce contexte explique l'ampleur prise par l'affaire Benalla, qui a accaparé l'actualité nationale pendant trois semaines. Les faits eux-mêmes sont certes accablants pour l'auteur des violences, mais sans commune mesure avec les séismes qui ont ébranlé l'histoire politique française (le Rainbow Warrior par exemple). En revanche, ils ont profondément choqué par les révélations en cascade qui en sont issues, soulignant les phénomènes de clanisme, de dissimulation, de courtisanerie et d'obséquiosité qui imprègnent, aujourd'hui comme hier, l'exercice du pouvoir.

    2017 fut l'été d'une espérance pour une partie de l'opinion publique, 2018 celui d'une désillusion. Cette affaire marque une étape supplémentaire, et sans doute décisive, dans la prise de conscience, par une majorité des Français, du caractère trompeur de la thématique d'un «nouveau monde». Au fond, rien n'a changé. Ils ont l'impression d'avoir été mystifiés comme ils le furent en 1981 par le discours assimilant la victoire de François Mitterrand à un passage de «la nuit à la lumière». Ils retiennent de l'affaire Benalla que rien ne ressemble plus à l'ancien monde que le prétendu nouveau.

L'image personnelle des dirigeants s'impose comme la motivation suprême de l'engagement politique, au détriment du bien commun.

La fin des illusions met en évidence les constantes de la vie politique française qui, depuis des années, entraînent le pays sur une pente fatale. Le culte de la personnalité d'un autre âge ne fait qu'occuper le vide laissé par la mort du débat d'idées et l'absence de solutions aux difficultés de la France. L'image personnelle des dirigeants s'impose comme la motivation suprême de l'engagement politique, au détriment du bien commun. L'élection ou la réélection justifie toutes les démagogies. La communication se substitue toujours davantage à l'autorité de l'État, aux choix de gouvernement et à l'action authentique. La fracture démocratique ne cesse de se creuser entre une minorité dirigeante, déconnectée des réalités quotidiennes, et la population - infiniment plus lucide que ne le pensent les hommes et femmes de pouvoir -, qui se sent abandonnée avec ses difficultés et ses inquiétudes.

     La vie politique continue à sombrer dans le spectacle nihiliste, dominé par les polémiques, les crises d'hystérie, les phénomènes d'idolâtrie et de lynchage. Le discours sur la «transformation» de la France ne suffit plus à masquer la réalité d'une aggravation continue des maux dont elle souffre: vertigineux déficit du commerce extérieur ; explosion de la dette publique ; poids des prélèvements fiscaux et sociaux ; chômage qui, en comparaison avec les autres puissances comparables, ne connaît guère d'amélioration ; violence quotidienne ; situation préoccupante du système scolaire et universitaire ; haut niveau de pauvreté ; absence de réponse crédible à la crise migratoire européenne ; une société toujours plus déchirée et conflictuelle. Sur les grands sujets de préoccupation des Français, aucune amélioration n'est en vue.

    Aujourd'hui, la question fondamentale est celle de l'avenir de la politique française, sur lequel un épais brouillard est tombé. Après la dissipation du rêve d'un «nouveau monde», que reste-t-il à espérer? La France est entrée dans une ère d'incertitude. Tout est possible: une radicalisation, portant au premier plan des partis ou personnalités «antisystème» ; la poursuite indéfinie, au-delà de 2022, de l'expérience actuelle ; une alternance et le retour au pouvoir d'un parti classique ayant su se moderniser et élargir son assise électorale ; ou encore une prise de conscience de la tragédie de la politique française, une remise à plat d'un régime à bout de souffle pour en finir avec la dictature des chimères et renouer avec la notion de gouvernement, de vérité, de destin collectif, d'intérêt général et de res publica. Cette dernière alternative n'est hélas pas la plus vraisemblable…*" . 

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               Beaucoup de clairvoyance dans cette analyse où le pessimisme est de mise, hélas à juste titre si la démagogie et l'intérêt personnel continuent à supplanter la recherche de l'intérêt général. La démocratie d'opinion n'est certainement pas la solution. 



  " Qu'est-ce que la vocation ? C'est un miracle à faire avec soi-même".

                 Louis  JOUVET








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