lundi 4 mars 2019

CONCERT : Camille SAINT-SAËNS, André CAPLET, Lili BOULANGER





" Après la parole de Dieu, le noble art de la musique est le plus grand trésor au monde."

             Jean Sébastien BACH


     
               La chorale Ensemble Vocal Renaissance donnera un unique concert le jeudi 28 mars prochain à la cathédrale Notre Dame du Havre.


            Construit autour du poème biblique Le Déluge oratorio de Camille Saint-Saëns, le programme de ce concert nous invite à une plongée dans le flot de la musique vocale française de la fin du XIXe et du début du XX siècle. Avec ces œuvres rares, parfois inédites, de compositeurs tels que André Caplet et Lili Boulanger qui incarnent le « style français » et plus particulièrement l’esthétique propre aux canons du Prix de Rome : clarté, élégance, raffinement mais aussi souffle lyrique, puissance évocatrice dans la tradition de notre romantique français Hector Berlioz.


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André CAPLET (1878-1925)



          « Ce Caplet est un artiste. Il sait trouver l’atmosphère sonore et, avec une jolie sensibilité a le sens des proportions ce qui est plus rare qu’on ne le croit, à notre époque de musique bâclée » disait Debussy de son ami Caplet, lauréat du Prix de Rome en 1901.

           Né au Havre, André Caplet a reçu dès son plus jeune âge une solide éducation musicale tout d’abord à l’école de musique du Havre puis, encouragé par ses professeurs qui détectent en lui « une belle et forte nature musicale » au Conservatoire de cette même ville où il fût élève d’Henri Woollett qui le considérait comme son « fils artistique » et enfin au Conservatoire de Paris où il obtint un premier Prix en 1897.

           Ami et collaborateur de Debussy, il fût un acteur de tout premier plan dans la vie musicale du début du XXe siècle, reconnu internationalement pour ses qualités de chef d’orchestre et de compositeur. Étonnamment, ce sont les œuvres vocales religieuses qui, par la sincérité et la modernité de l’expression, ont contribué, plus d’un demi-siècle après sa mort, à la redécouverte de son talent de compositeur puis à entretenir sa notoriété : Le Miroir de Jésus, la Messe à 3 voix et Les Prières.En revanche, les rares œuvres chorales de Caplet pour chœur mixte et orchestre sont des œuvres de jeunesse dans la tradition française dans lesquelles on trouve déjà les qualités qui définiront l’esprit de sa musique : riche palette sonore de l’orchestre, attirance pour les sonorités aériennes, inspirations poétiques. Il a aimé la voix humaine par-dessus tout et a plus écrit pour celle-ci que pour les instruments. La qualité de l’écriture de ses œuvres mélodiques, dont le traitement des timbres dénote un profond désir de recherche, témoigne de son amour inconditionnel de cette expression musicale.

              Eté, composé en 1899, est une pièce chatoyante et lyrique qui exalte avec ardeur le poème de Victor Hugo
   
              Spectacle Rassurant, composé en 1901, est inspiré d’un poème du recueil Les Rayons et les Ombres de Victor Hugo. Cet hymne radieux à la nature étonnera par la puissance de son expression et la modernité de l’orchestration.
Afin de faire rayonner ces deux œuvres chorales du compositeur havrais, un accompagnement pour piano à quatre mains a été demandé à Gilles Treille par l’association Choralies Normandie. La première mondiale a eu lieu au Havre le 1er avril 2017.

              Pâques Citadines, composées un an auparavant sont inspirées d’un texte poétique d’inspiration chrétienne relatant le retour des cloches le jour de Pâques, symbole du renouveau et de la résurrection. Cette œuvre montre à l’évidence l’attirance de Caplet dans ses premières années pour l’impressionnisme.

              Les Prières, mélodies pour chant et piano, sont trois magnifiques pièces dédiées aux soldats morts pour la Patrie (1914-1917). Écrites en forme de cri d’espoir elles sont révélatrices de l’inébranlable foi catholique qui animera André Caplet tout au long de sa vie, jusqu’à le mener au mysticisme, et de son ardent souci de salut éternel.  



                       
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Lili BOULANGER (1893-1918)



               La carrière de Lili Boulanger, première femme à recevoir le Grand Prix de Rome (1913) fût aussi courte que brillante. Prématurément disparue à 25 ans, elle nous a légué une œuvre profonde, émouvante, tendre, pleine de ferveur lumineuse et de spiritualité. Celle-ci a transformé sa souffrance en une pure et bouleversante beauté que l’on retrouve dans sa musique, manifestation de génie à l’état pur, exprimant une vie spirituelle d’une grande richesse.

                 Quelle meilleure définition de l’écriture musicale de Lili Boulanger que celle donnée par le compositeur et musicologue, Louis Vuillemin, spécialiste reconnu de la musique française du début du XXe siècle, qui en 1921 la décrivait en ces termes : « Une sensibilité aiguë et prodigieusement humaine servie dans son expression par la gamme complète des dons naturels depuis la grâce, la couleur, le charme et la subtilité jusqu’au lyrisme ailé, jusqu’à la force claire, aisée et profonde. De telles vertus si rarement assemblées au bénéfice d’un seul tempérament créateur ».


                                                                        
                    Pour les funérailles d’un soldat, écrites en 1913 à l’orée de la première guerre mondiale, est une œuvre ombrageuse et puissante, marche funèbre âpre et solennelle qui sonne comme un drame en miniature. La musique de Lili Boulanger sur l’hymne médiéval du Dies Irae et le poème d’Alfred de Musset se marient à merveille. C’est grave, puissant et en même temps magnifique. Cette poignante partition, évoquant au travers d’un rituel funéraire sombre et formel la misère humaine, sera interprétée ce soir dans sa version piano, faisant alors résonner dans toutes les directions au-dessus de celui-ci la sombre clé du si bémol mineur.

                              
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Camille SAINT-SAËNS (1835-1921)




             « Il est possible d’être aussi bon musicien que Saint-Saëns, il est impossible de l’être plus » disait Franz Liszt de son ami. Homme de grande sensibilité et d’une bonté hors de pair, Camille Saint-Saëns défendait une certaine tradition française d’élégance, d’équilibre et de clarté. Il n’hésitait pas à proclamer sa doctrine de l’art pour l’art lui qui disait « faire du théâtre » en écrivant ses œuvres dramatiques. Son œuvre chorale, considérable, en fait le premier héritier français d’Hector Berlioz et de Franz Liszt.
Saint-Saëns, doué d’une grande facilité de composition, écrit de la musique logiquement ordonnée, fortement conçue, clairement déduite et foncièrement classique. Sa beauté réside dans la ligne mélodique, l’enchaînement des harmonies, le choix des rythmes.

               Le Déluge, poème biblique pour solistes, chœur et piano, composé en 1876, occupe une place brillante dans la lignée des grandes fresques chorales françaises du XIXe siècle dont Berlioz fut l’initiateur. Les œuvres chorales à sujet religieux convenaient alors au repli général de la société de l’époque, après la guerre de 1870, désireuse d’oublier la défaite et d’effacer la frivolité de l’Empire. A l’origine de cet oratorio, cette phrase étonnante de la Genèse dans l’Ancien Testament : « Et Dieu se repentit d’avoir créé le monde » qui servira de trame à un drame symphonique en trois parties reprenant ou paraphrasant le texte biblique : Corruption de l’Homme et colère de Dieu (1ière partie), L’Arche de Noé et le Déluge (2ième partie), La Colombe et la bénédiction de Dieu (3ième partie).

               Saint-Saëns était sensible aux couleurs brutales, aux évocations âpres de l’Ancien Testament. Le thème fugué de la 1ière partie du Déluge qui évoque la colère de Dieu (« Car ces hommes que je maudis, se sont détournés de ma face et m’outragent de leurs défis ») en est une terrifiante illustration qui ne peut laisser l’auditeur indifférent ; il en est de même, dans la 2ième partie, du puissant unisson du chœur  (« Et les eaux du déluge envahirent la terre…, se heurtèrent les flots et les vents furieux ») et du chromatisme ascendant du piano illustrant la montée des eaux, et enfin de la fugue grandiose de la 3ième partie (« Croissez donc et multipliez ») qui conclut à la manière de Haendel cette œuvre audacieuse.

                    
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                    Ce concert donné en la cathédrale Notre-Dame du Havre illustre à merveille cette affirmation de Saint-Saëns selon laquelle « En art il faut du talent, il faut du style ; et où le grand style se réfugiera-t-il, si ce n’est dans l’Eglise, où les applaudissements, les succès, ces misères de l’art, n’existent pas » !!
       






" Cette beauté qui éduque le regard et élève l'esprit, qui donne de la grâce à une personne comme à un pays qui sait tenir son rang."

                        François d'ORCIVAL






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