" Après la parole de Dieu, le noble art de la musique est le plus grand trésor au monde."
Jean Sébastien BACH
La chorale Ensemble Vocal Renaissance donnera un unique concert le jeudi 28 mars prochain à la cathédrale Notre Dame du Havre.
Construit autour du poème biblique Le Déluge oratorio
de Camille Saint-Saëns, le programme de ce concert nous invite à une plongée
dans le flot de la musique vocale française de la fin du XIXe et du début du XX
siècle. Avec ces œuvres rares, parfois inédites, de compositeurs tels que André Caplet et Lili Boulanger qui incarnent le « style français » et
plus particulièrement l’esthétique propre aux canons du Prix de Rome :
clarté, élégance, raffinement mais aussi souffle lyrique, puissance évocatrice
dans la tradition de notre romantique français Hector Berlioz.
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André
CAPLET (1878-1925)
« Ce Caplet est un artiste. Il sait trouver
l’atmosphère sonore et, avec une jolie sensibilité a le sens des proportions ce
qui est plus rare qu’on ne le croit, à notre époque de musique bâclée »
disait Debussy de son ami Caplet, lauréat du Prix de Rome en 1901.
Né au Havre, André Caplet a reçu dès son plus jeune âge
une solide éducation musicale tout d’abord à l’école de musique du Havre puis,
encouragé par ses professeurs qui détectent en lui « une belle et forte
nature musicale » au Conservatoire de cette même ville où il fût élève
d’Henri Woollett qui le considérait comme son « fils artistique » et
enfin au Conservatoire de Paris où il obtint un premier Prix en 1897.
Ami et collaborateur de Debussy, il fût un acteur de tout
premier plan dans la vie musicale du début du XXe siècle, reconnu
internationalement pour ses qualités de chef d’orchestre et de compositeur.
Étonnamment, ce sont les œuvres vocales religieuses qui, par la sincérité et la
modernité de l’expression, ont contribué, plus d’un demi-siècle après sa mort,
à la redécouverte de son talent de compositeur puis à entretenir sa notoriété :
Le Miroir de Jésus, la Messe à 3 voix et Les Prières.En revanche, les rares œuvres chorales de Caplet pour
chœur mixte et orchestre sont des œuvres de jeunesse dans la tradition
française dans lesquelles on trouve déjà les qualités qui définiront l’esprit
de sa musique : riche palette sonore de l’orchestre, attirance pour les
sonorités aériennes, inspirations poétiques. Il a aimé la voix humaine
par-dessus tout et a plus écrit pour celle-ci que pour les instruments. La
qualité de l’écriture de ses œuvres mélodiques, dont le traitement des timbres dénote
un profond désir de recherche, témoigne de son amour inconditionnel de cette
expression musicale.
Eté, composé en 1899,
est une pièce chatoyante et lyrique qui exalte avec ardeur le poème de Victor
Hugo.
Spectacle Rassurant, composé en 1901, est inspiré
d’un poème du recueil Les Rayons et les Ombres de Victor Hugo. Cet hymne
radieux à la nature étonnera par la puissance de son expression et la modernité
de l’orchestration.
Afin
de faire rayonner ces deux œuvres chorales du compositeur havrais, un accompagnement
pour piano à quatre mains a été demandé à Gilles Treille par l’association
Choralies Normandie. La première mondiale a eu lieu au Havre le 1er
avril 2017.
Pâques Citadines, composées un an auparavant
sont inspirées d’un texte poétique d’inspiration chrétienne relatant le retour
des cloches le jour de Pâques, symbole du renouveau et de la résurrection. Cette
œuvre montre à l’évidence l’attirance de Caplet dans ses premières années pour
l’impressionnisme.
Les Prières, mélodies pour chant et piano, sont trois
magnifiques pièces dédiées aux soldats morts pour la Patrie (1914-1917).
Écrites en forme de cri d’espoir elles sont révélatrices de l’inébranlable foi
catholique qui animera André Caplet tout au long de sa vie, jusqu’à le mener au
mysticisme, et de son ardent souci de salut éternel.
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Lili
BOULANGER (1893-1918)
La
carrière de Lili Boulanger, première
femme à recevoir le Grand Prix de Rome (1913) fût aussi courte que brillante. Prématurément
disparue à 25 ans, elle nous a légué une œuvre profonde, émouvante, tendre,
pleine de ferveur lumineuse et de spiritualité. Celle-ci a transformé sa
souffrance en une pure et bouleversante beauté que l’on retrouve dans sa
musique, manifestation de génie à l’état pur, exprimant une vie spirituelle
d’une grande richesse.
Quelle
meilleure définition de l’écriture musicale de Lili Boulanger que celle donnée
par le compositeur et musicologue, Louis Vuillemin, spécialiste reconnu de la
musique française du début du XXe siècle, qui en 1921 la décrivait en ces
termes : « Une sensibilité aiguë et prodigieusement humaine servie dans son expression par la gamme
complète des dons naturels depuis la grâce, la couleur, le charme et la
subtilité jusqu’au lyrisme ailé, jusqu’à la force claire, aisée et profonde. De
telles vertus si rarement assemblées au bénéfice d’un seul tempérament
créateur ».
Pour les
funérailles d’un soldat, écrites en 1913 à l’orée de la
première guerre mondiale, est une œuvre ombrageuse et puissante, marche funèbre
âpre et solennelle qui sonne comme un drame en miniature. La musique de Lili
Boulanger sur l’hymne médiéval du Dies
Irae et le poème d’Alfred de Musset se marient à merveille. C’est grave,
puissant et en même temps magnifique. Cette poignante partition, évoquant au
travers d’un rituel funéraire sombre et formel la misère humaine, sera interprétée
ce soir dans sa version piano, faisant alors résonner dans toutes les
directions au-dessus de celui-ci la sombre clé du si bémol mineur.
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Camille
SAINT-SAËNS (1835-1921)
« Il est possible d’être aussi bon musicien que Saint-Saëns, il est
impossible de l’être plus »
disait Franz Liszt de son ami. Homme de grande sensibilité et d’une bonté hors
de pair, Camille Saint-Saëns défendait
une certaine tradition française d’élégance, d’équilibre et de clarté. Il
n’hésitait pas à proclamer sa doctrine de l’art pour l’art lui qui disait
« faire du théâtre » en écrivant ses œuvres dramatiques. Son œuvre
chorale, considérable, en fait le premier héritier français d’Hector Berlioz et
de Franz Liszt.
Saint-Saëns, doué d’une grande facilité de composition,
écrit de la musique logiquement ordonnée, fortement conçue, clairement déduite
et foncièrement classique. Sa beauté réside dans la ligne mélodique,
l’enchaînement des harmonies, le choix des rythmes.
Le Déluge,
poème biblique pour solistes, chœur et piano, composé en 1876, occupe une place
brillante dans la lignée des grandes fresques chorales françaises du XIXe
siècle dont Berlioz fut l’initiateur. Les œuvres chorales à sujet religieux
convenaient alors au repli général de la société de l’époque, après la guerre
de 1870, désireuse d’oublier la défaite et d’effacer la frivolité de l’Empire.
A l’origine de cet oratorio, cette phrase étonnante de la Genèse dans
l’Ancien Testament : « Et Dieu se
repentit d’avoir créé le monde »
qui servira de trame à un drame symphonique en trois parties reprenant ou
paraphrasant le texte biblique : Corruption de l’Homme et colère de Dieu
(1ière partie), L’Arche de Noé et le Déluge (2ième
partie), La Colombe et la bénédiction de Dieu (3ième partie).
Saint-Saëns
était sensible aux couleurs brutales, aux évocations âpres de l’Ancien
Testament. Le thème fugué de la 1ière partie du Déluge qui évoque la
colère de Dieu (« Car ces hommes que je
maudis, se sont détournés de ma face et m’outragent de leurs défis ») en
est une terrifiante illustration qui ne peut laisser l’auditeur indifférent ;
il en est de même, dans la 2ième partie, du puissant unisson du
chœur (« Et les eaux du déluge envahirent la terre…, se heurtèrent
les flots et les vents furieux »)
et du chromatisme ascendant du piano illustrant la montée des eaux, et enfin de
la fugue grandiose de la 3ième partie (« Croissez donc et multipliez ») qui conclut à la manière de
Haendel cette œuvre audacieuse.
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Ce concert donné en la cathédrale
Notre-Dame du Havre illustre à merveille cette affirmation de Saint-Saëns selon
laquelle « En art il faut du talent,
il faut du style ; et où le grand style se réfugiera-t-il, si ce n’est
dans l’Eglise, où les applaudissements, les succès, ces misères de l’art,
n’existent pas » !!
" Cette beauté qui éduque le regard et élève l'esprit, qui donne de la grâce à une personne comme à un pays qui sait tenir son rang."
François d'ORCIVAL
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