vendredi 15 décembre 2017

D'ORMESSON et DIEU



"Ce sceptique démarqué de Montaigne était le fou d'un Dieu dont il désespérait de percer le mystère"

                    Denis  TILLINAC



                     Lire ou relire les écrits de Jean d'Ormesson procure indéniablement une joie infinie mêlée d'admiration et de reconnaissance pour tout ce qu'il nous a donné au travers de ses livres, ses articles et ses chroniques au style flamboyant et précieux mais toujours teinté de légèreté, de joie et d'humour : en un mot "épatant".  

                     Alors pourquoi ne pas finir l'année avec deux articles dans lesquels Dieu est le personnage principal, "Jean d'O" s'interrogeant souvent sur le mystère de la création, de la mort et finalement de Dieu. Ces deux articles ont été écrits l'un en Mai 1998 dans le Figaro lors de la visite de Jean-Paul II en France : "Apôtre de la charité", l'autre est le compte-rendu d'un entretien en juin 2014 avec un journaliste du Figaro Magazine : "La forme de ma foi, c'est l'espérance".


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        ......." J'ai toujours pensé à Dieu. J'ai toujours cru à Dieu parce que le soleil se lève le matin, ce qui est en soi très étonnant. Mais je n'ai jamais été un enfant pieux.
.......J'apprenais mon catéchisme en me disant : " Est-ce que tout cela est vrai ? " Il y a cette phrase formidable de Renan : " Nous attendions le Christ, nous avons eu le clergé". Mais j'ai toujours cru en Dieu. J'ai été élevé dans la religion catholique et espère mourir dans la religion catholique, si elle veut bien de moi". .....

        ......." Je n'ai jamais été religieux, mais j'ai toujours cru à Dieu. .....Dans le fond je suis catholique agnostique. Je ne peux pas vous dire que j'ai une foi ardente : je ne sais pas, mais j'espère. La forme de ma foi, c'est l'espérance.".....

         ......." Je suis croyant : croyant! Le mot est quand même extraordinaire! Dire "je crois", c'est dire "je ne sais pas". On devrait dire "je sais"! ".....


      A propos de la religion catholique :

        ......." A la différence de tant d'autres systèmes, la religion catholique a renoncé, sinon à tout prosélytisme, du moins à tout absolutisme. ... ...Monopole et autorité ont cédé la place au dialogue. On n'est plus catholique que parce que on a choisi de l'être. Il n'y a plus d'opposition entre ces deux forces morales qui se sont longtemps partagé les esprits: les droits de l'homme et la religion catholique. .... Cette puissance morale n'a pas sa source dans aucune puissance matérielle. On dirait volontiers au contraire. ....Sa seule force ce sont les plus faibles; sa seule richesse : les plus pauvres. Elle ne craint ni les richesses, ni les persécutions, ni le malheur : ses armées, depuis le Christ, rassemblent d"abord ceux qui pleurent". .....

          ......." Dans ce monde de camps et de marchés, dominé par la crainte et par l'intérêt, d'où l'espérance et la foi sont peu à peu expulsées, toute vie matérielle ne peut prendre son sens que dans une vie spirituelle. Appuyées sur l'égocentrisme et sur la soif du pouvoir, la richesse et la violence ne triomphent qu'en apparence : elles se ruent l'une et l'autre vers l'échec et le désespoir". .....

           ......." Le catholicisme n'est compatible ni avec les dictatures, ni avec le communisme, ni avec l'ultranationalisme, ni avec le libéralisme. Le catholicisme, c'est autre chose. Qu'est-ce que le catholicisme? C'est la religion de l'amour".

         Dieu et la science :

              ....... " La science ne viendra jamais à bout de Dieu. Elle ne pourra jamais donner toutes les clés de l'Univers et, par conséquent, ne pourra jamais remplacer Dieu". ......  ....Tant qu'il y aura des hommes, on ne pourra pas arracher l'idée de Dieu, sous une forme ou sous une autre. .... ...Le grand coup porté à Dieu ne vient pas des astronomes et des physiciens, Galilée, Copernic ou Newton étaient croyants, il vient de Darwin : si Dieu a créé l'homme et la femme, il a pu les les doter d'une âme. Mais s'il a simplement créé des singes dont nous sommes les cousins, à quel moment l'âme entre-t-elle ? La voilà, la question terrible. ...  ...." Vous savez, même un partisan de Darwin sait très bien qu'il y a un abîme entre un singe très intelligent et un crétin des Alpes. L'un est un animal, l'autre un homme, c'est évident. C'est une différence de taille."...

           La papauté :

                ....... " Nous avons eu une succession de trois papes formidables. Jean-Paul II,lorsque l'Eglise se portait bien, représentait l'espérance. Benoît XVI est un très grand savant qui représente la foi. Avec François, c'est la charité. Il est dans l'évangélisme."...

            Le mal :

                 ......." Le problème du mal est insoluble. Si vous ne croyez pas à Dieu, vous n'avez aucune espérance, et vous ne comprenez pas pourquoi le mal existe. Et si vous croyez en Dieu, vous aurez du mal à expliquer Auschwitz. Mais on peut dire qu'il y a un plan secret. Je pense à cette très belle prière de sainte Thérèse d'Avila qui dit : " Que de larmes versées sur les prières exaucées". Peut-être que Dieu sait mieux que nous ce qui est bien et ce qui est mal". .....

             L'islam :

                 .......  " L'islam n'est pas le christianisme. Le christianisme, c'est l'amour : "Tends l'autre joue." Peut-être est-ce plus difficile aujourd'hui de tendre l'autre joue. On y revient toujours : pour aimer Dieu, il faut aimer les hommes, et il semble qu'aujourd'hui les hommes s'aiment moins. Ah les hommes....Dans mon livre (ndlr : "Comme un chant d'espérance"), je dis : " Entre les hommes et Dieu, je parierais plutôt sur Dieu". Les hommes, vous savez, ne sont que très peu de chose."


            "Tu aimeras ton prochain comme toi même." :


                 ....... "Les textes, à ce sujet, sont splendides. Lorsque Jésus parle aux justes et qu'il leur dit : "J'étais nu, et vous m'avez vêtu; j'étais malade, et vous m'avez visité; j'étais en prison, et vous êtes venus vers moi." Les justes, étonnés, lui disent : " Mais quand étais-tu malade ? Quand étais-tu en prison ?", etc. Et Jésus leur dit : " Toutes les fois que vous avez fait ces choses à l'un de ces plus petits de mes frères, c'est à moi que vous les avez faites." C'est magnifique. Et puis, il y a cette formidable formule dans Luc : " Ne demande pas où est le royaume de Dieu, il n'est pas ici ou là, le royaume de Dieu est parmi nous". C'est comme l'incarnation, sur laquelle butent les athées. C'est sublime, c'est une idée de Dieu qui se fait homme, par amour. Si Dieu se fait homme, d'une certaine façon, les hommes se font Dieu. Il n'y a qu'une révolution, c'est le Christ. C'est lui qui a mis les esclaves au même niveau que César. C'est ça la révolution chrétienne : le christianisme est quand même un humanisme. La seule façon d'aimer Dieu, c'est d'aimer les hommes. Parce que aimer seulement Dieu, c'est très facile ! Et ça ne sert pas à grand-chose .... On peut aussi haïr Dieu et les hommes, (....), mais cela débouche rarement sur le bonheur".


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       Quelle meilleure façon de terminer l'année ?!!! Merci monsieur d'Ormesson.






   
              " J'aimais, Seigneur, j'aimais, je voulais être aimée ".

                              Bérénice,    Jean  RACINE

           
        

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