mercredi 30 septembre 2020

DENIS TILLINAC

 



 

« Le gaullisme est un mot de passe entre irréguliers que l’air du temps indispose. »

« Nous autres, les orphelins, quel autre recours contre la passivité voyeuriste dans laquelle on veut nous encager que de pérenniser le songe gaullien en ressuscitant l’esprit de chevalerie ?.. »

                    Denis TILLINAC


                  Un dernier coup de gueule de ce formidable journaliste, écrivain et poète, amoureux inconsolable de la France, amoureux fou du rugby, auteur du "Dictionnaire amoureux de de Gaulle", passionné de sa Corrèze chiraquienne, catholique affirmé envers et contre tout.

                 Cet "artisan de l'amitié", comme l'a si bien défini Hervé Gaymard, personnifiait le bonheur d'être français; il ne cachait pas sa grande passion de la France à une époque où il est de bon ton de ne jurer que par le funeste "nouveau monde" cher à nos bobos écolos gauchisants qu'il égratigne avec vigueur et sans faux semblant dans cette dernière chronique.


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Réf. : Valeurs Actuelles, 26 Septembre 2020, "Vue de ma Fenêtre".


Le Tour de France, les sapins de Noël ? Pas assez “écolos”. Les “gilets jaunes” ? Des populistes. La gauche bobo méprise le petit peuple qui ne sait plus voter “bien”. Dans son ultime chronique, parue dans notre dernier numéro, Denis Tillinac, disparu ce jour, ferraillait encore contre les folies de l'époque.

 

 

                       Le maire de Grenoble n'aime pas le Tour de France, celui de Bordeaux n'aime pas les sapins de Noël. Leurs arguties ineptes maquillent en souci écologique un mépris de caste pour les réjouissances ou les traditions populaires. Rien de plus, rien de moins. Depuis que l'électorat communiste a viré au lepénisme, la gauche bobo laisse suinter à ciel ouvert et sans scrupule son aversion pour le populo. À son aune, le mot cherche la rime entre clodo et “facho”. Sous le règne de Mitterrand, elle affectait encore des compassions de dame patronnesse pour les prolétaires : ils votaient “bien”. Mais son pathos flattait à l'encolure un “peuple de gauche” de plus en plus virtuel, il singeait sans plus y croire le lyrisme de Gambetta, de Jaurès ou de Blum.

                        À présent, son hostilité aux mœurs populaires ne prend plus la peine de biaiser : le prolo n'est qu'un beauf vautré dans sa ringardise, suspecté de pulsions “nauséabondes”, il faut le museler s'il s'avise d'exprimer sa colère. D'où une hostilité viscérale envers les “gilets jaunes” dans la phase initiale du mouvement, quand il était provincial, apolitique, bon enfant et saucissonnait au rouge qui tache sur les ronds-points à la périphérie des villes moyennes. Une seule solution pour diluer ce mépris de classe dans un semblant de conscience politique avouable : dégainer l'imputation de “populisme”. Qu'est-ce qu'un populiste ? Un prolo qui n'adhère pas aux présupposés du bobo, ignore son esthétique, récuse son snobisme, avoue en toute candeur des goûts et des couleurs sans commune mesure avec la culture de cour. Il est ouvrier, paysan, employé, boutiquier, camionneur ou chômeur. Il « roule en diesel et fume des clopes » : cette définition de l'inénarrable Griveaux a résumé sans fard le jugement du sérail. Il aurait pu compléter la panoplie avec le Ricard, le foot, le PMU, le fast-food et la gauloiserie. Le prolo est un nuisible qui vote “mal” ; à ce titre il n'a droit qu'à la réclusion ad vitam dans l'enfer des réprouvés.

                         Fut un temps où l'idéal (évangélique) de justice sociale était majoritairement l'apanage du militantisme de gauche, politique et syndical. Honneur à ceux qui, entre les soldats de l'an II et le Front pop, auront défié les puissants, souvent au péril de leur vie, pour enfanter un monde moins dur aux humbles ! Honneur aux “hussards noirs” qui auront inculqué aux futurs poilus de 1914-1918 l'amour sans clause de style de la vertu et de la patrie ! Honneur aussi aux cathos qui auront pris le parti des pauvres, et non celui du châtelain, de l'évêque ou du maître des forges, nonobstant l'anticléricalisme ambiant ! Oui, la gauche de Hugo, de Zola, de Vallès, de Péguy a des titres à notre respect, autant que la droite (ou plutôt les droites) de Chateaubriand, de Tocqueville ou de Bernanos.

                          Ces droits, la gauche sartrienne les a ruinés après la Libération par sa soumission lamentable à la folie stalinienne. Encore avait-elle un alibi, dont elle a abusé : le PCF était indéniablement le parti de la classe ouvrière. Privés de cet expédiant, ses héritiers recyclent leur pharisaïsme dans la défense et illustration des “minorités”, mais cette défausse ne trompe personne, elle permet juste de cautionner une mise au rebut du Français des faubourgs et des zones rurales. On lui trouve de mauvaises manières, on lui prête de mauvais instincts. On lui règle son compte en le noyant dans cet « archipel » de « communautés » décrit par Jérôme Fourquet.

                         On ? Des faux derches qui osent encore se réclamer de la gauche, mais déshonorent la mémoire de ses héros. Pas tous, soyons juste. En tout cas le gratin écolo des métropoles. Et comme la droite a pareillement renié les figures de son imaginaire, le peuple français, orphelin à tous égards, cherche en aveugle à qui, à quoi se raccrocher.

                         Conformément à la prophétie de Marx, l'histoire rejoue ce qu'elle a forgé dans le sang et les larmes sur le mode de la farce. C'est une mauvaise farce qui a mis sur le pavois municipal les contempteurs soi-disant “bio” du Tour de France et du sapin de Noël, à la faveur d'un scrutin dévoyé par un taux énorme d'abstentionnistes. Puissent les élections à venir les renvoyer à leurs trottinettes, ils ridiculisent une cause par ailleurs très défendable.

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             Adieu cher Denis Tillinac, ardent défenseur de la France éternelle, pour qui l'honneur, la bravoure, l'amitié et la liberté avaient un sens. A ceux qui te reprochaient de défendre ces vertus rédemptrices tu as répondu avec panache : "Du bonheur d'être réac" ! Ces "faux derches, comme tu aimais à les appeler, s'en étranglent encore de rage ....

 

 « ….Cet ancien monde où les vivants n’en finissaient pas de dialoguer avec leurs antécédents..... »

 «.... Dans le nouveau monde, qu’ils soient morts ou vifs, les vivants sont seuls au monde, dos au mur face à un précipice. »

                    Denis TILLINAC







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