dimanche 5 février 2017

AFFAIRE FILLON : DÉSINTÉGRATION DE LA POLITIQUE ?



   " Le nouvel air du temps est sentimental, victimaire et moraliste"

                                     Jean-Pierre  LE GOFF


Réf. : Le Figaro 4 janvier 2017   Champs Libres

              Une analyse sans complaisance du sociologue Jean-Pierre Le Goff à propos de "l'affaire Fillon", nouvelle étape du processus de délitement de la politique en France :

              Quelques extraits :

                         ......"Distillée quotidiennement par morceaux, cette "affaire torpille" littéralement la campagne présidentielle en la vidant de ses enjeux et en paralysant toute réflexion; elle envahit l'espace public et accentue le désarroi au sein même de la société en sapant une nouvelle fois l'autorité et la confiance minimum dans les politiques et les institutions sans lesquelles les contradictions et les conflits inhérents à la démocratie versent dans le chaos." ......

                         ......" (les affaires) reflètent dans la sphère politique et médiatique la méfiance et la suspicion qui se sont répandues dans la société." ......

                         ......" L'érosion des repères symboliques de l'autorité et le développement d'un individualisme autocentré ont favorisé l'expression d'une subjectivité débridée qui fait fi de l'intérêt général et des institutions. Ce nouvel individualisme a tendance à considérer les politique et l'Etat comme des prestataires de services dans une posture de client roi et de victime ayant des droits. Il joue volontairement la société contre l'Etat." ......

                         ......" Les grands médias de l'information en continu, Internet et les réseaux sociaux tendent à se confondre avec l'espace public, et ils n'ont plus grand-chose à voir avec l'idée de médiation et d' "instrument démocratique de la liberté" ( Alexis de Tocqueville, NDLR ). .....

                         ...... " L'un des phénomènes problématiques est l'existence de journalistes moralisateurs et justiciers qui vivent dans l'entre-soi, tout en se voulant les représentants naturels des pauvres, des victimes, des exclus et de toutes les misères du monde. Ils se font volontiers les défenseurs de la veuve et de l'orphelin, en même temps que les gardiens de la vertu dans le domaine des mœurs et de la culture postmodernes. Pour ces journalistes le "gauchisme culturel" est naturel; ils baignent dedans depuis longtemps et ne s'en sont jamais détachés; il est partie intégrante de leur identité et de leur image. Ces journalistes militants ne cessent de donner des leçons à tous ceux qui ne partagent par leur vision du monde, leurs goûts et leurs mœurs, présentés comme une marque du progrès...... Ce journaliste militant a non seulement tendance à se croire le centre du monde, mais il s'affiche volontiers comme un nouveau redresseur de torts apostrophant les puissants et les princes. Un nouveau type de journaliste d'investigation a évolué dans cette direction.Il est devenu plus agressif dans la façon dont il se met en scène pour apostropher les politiques et tous ceux qui incarnent à ses yeux la figure du dominant, coupant sans cesse la parole en ne manquant pas de se faire valoir par la même occasion." .....

                        ...... "Le responsable politique n'est pas seulement réduit au statut d'un individu ordinaire, mais, s'il ne se plie pas aux codes et usages du milieu, à l'autocritique publique et à la repentance, il incarne le vice déguisé en vertu, il porte sur lui la responsabilité de tous les maux." ......

                         ......" Le nouvel air du temps est tout à la fois sentimental, victimaire et moraliste. L'émotion domine facilement la raison," .....

                         ....." De nouvelles croyances se développent, qui prônent l'amour et la fraternité universelle en mélangeant toutes les religions. Le nouveau modèle de bon comportement pour une partie de la population est fait d'un curieux mélange de moralisme, d' "allô, docteur" et de consommations de produits bio, "éthiques et solidaires"....L'exigence de "transparence" et de "démocratie participative" que l'on qualifie facilement d' "éthique" et de "citoyenne" ne peut être seulement considérée comme un progrès démocratique, car elle véhicule en même temps l'imaginaire d'une société hygiéniste et vertueuse qui serait devenue transparente à elle-même." ......

                          ......" L'humanité tend à être divisée sommairement entre le bien et le mal, oubliant une pensée essentielle de notre tradition : " L'homme n'est ni ange ni bête, et le malheur veut que qui veut faire l'ange fait la bête" (Blaise Pascal)." .....

                          ......" Gare à ceux qui ne rentrent pas dans le moule.   .....Désormais, on exige d'eux (les politiques) qu'ils soient "transparents" et "purs", sous le contrôle des journalistes militants et d'une gauche morale qui se veulent les gardiens vertueux du meilleur des mondes. Il n'est pas facile de résister à de telles pressions, qui discréditent moralement et ostracisent les opposants." .....


                            ......" Par-delà l'affaire Fillon, que la justice tranchera, et quel que soit l'avenir de cette candidature, il ne s'agit pas de hurler avec les loups. Il s'agit d'opérer un recul réflexif et critique sur ce que cela révèle de l'état de la démocratie dans un pays désorienté. C'est l'une des conditions pour sortir d'un climat délétère  qui sape la politique et laisse le champ libre aux démagogues qui espèrent en tirer quelques profits électoraux."

                                                          Un jugement sans concession mais combien pertinent sur le microcosme politico-médiatique, les soi-disant "élites"..., que le peuple de France, certains parlent avec mépris de "la France d'en bas"...., rejette chaque jour davantage.


" On nous cache tout, on nous dit rien. Plus on apprend, plus on ne sait rien".

                                      Jacques  DUTRONC







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